CNIL : « contrairement à un mot de passe, il n’est pas possible de changer son ADN »

Publié le 8 Mar, 2024

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) appelle à la vigilance en matière de tests génétiques « récréatifs ».

Des données conséquentes et précieuses

Via la vente en ligne de tests génétiques, les entreprises du domaine collectent de nombreuses informations, rappelle la CNIL. Informations génétiques, données phénotypiques ou relatives à l’état de santé sont autant d’informations qui ont « beaucoup de valeur ». En outre, les sociétés rassemblent aussi des données relatives à l’identité, des coordonnées et de « nombreuses données supplémentaires [qui] sont parfois également collectées par voie de questionnaire »[1].

La Commission souligne que « les données génétiques présentent la particularité de concerner des personnes tierces car les gènes sont partagés entre ascendants, descendants et famille proche ». « Dès lors, les données recueillies à l’occasion des tests révèlent des informations sur l’ensemble des membres de la famille proche de la personne à l’origine de la demande, alors que ces derniers n’y ont pas consenti et n’ont souvent pas même été informés », pointe la Commission. Qui plus est, les résultats de ces tests peuvent révéler des informations délicates, en dévoilant des secrets de famille ou encore en révélant des prédispositions à une pathologie.

En Europe, le législateur a interdit le traitement « par principe » de ces données [2]. En France, la réalisation de tests génétiques « récréatifs » est interdite, « même avec le consentement de la personne concernée »[3].

Des risques réels

La CNIL alerte aussi sur le « peu de garanties » quant à la qualité de ces tests et la sécurité des échantillons et des données (cf. Piratage de 23andMe : les données de 6,9 millions de clients compromises). En outre, « les conditions générales de ventes et autres documents contractuels sont souvent assez vagues sur les transmissions des données à des tiers et sur les finalités de ces transmissions », pointe la Commission (cf. Du business autour des tests génétiques : 23andMe vend les droits d’un médicament). Ainsi, « il a déjà été observé que les sociétés en question nouent des partenariats avec d’autres organismes qui réutilisent les échantillons, notamment à des fins de recherche ». Ces données, précieuses et personnelles, peuvent être compromises.

Or « contrairement à un mot de passe, il n’est pas possible de changer son ADN ». Et, « en plus des risques déjà mentionnés, la divulgation de ces données peut entraîner des discriminations (sur la base de l’origine ethnique, de la santé etc.) », interpelle l’instance (cf. Australie : des assurances vie en fonction du profil génétique).

Face à ce tableau inquiétant, la CNIL indique qu’elle procède à des contrôles qui peuvent donner lieu à des « mesures correctrices ». Et « dans la mesure où l’offre de services est liée à des personnes concernées qui se trouvent sur le territoire de l’Union européenne », elles pourraient s’appliquer à des sociétés non françaises.

Après l’Agence de la biomédecine, la CNIL appelle à la prudence sur le sujet (cf. ABM : Marine Jeantet auditionnée par le Parlement). D’autres inquiètent bien moins.

 

[1] Par exemple les relations (maritales ou familiales), des dates sur des évènements de vie (mariages, décès), les goûts alimentaires, la capacité à effectuer certains gestes (bouger les oreilles, les sourcils), des photographies

[2] Ils peuvent toutefois être autorisés dans certains cas : enquête judiciaire, prise en charge médicale ou à des fins de recherche

[3] « L’achat d’un test génétique sur Internet par des personnes résidant en France est ainsi passible de 3 750 € d’amende. De même, la réalisation d’un test génétique en dehors des domaines médical et scientifique est interdite et passible de 15 000 € d’amende et d’un an de prison pour les personnes ou entreprises proposant ces tests. »

Photo : iStock

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