Don d’organes : trop d’opposition selon l’ABM

Publié le 15 Fév, 2024

Le 13 février, l’agence de la biomédecine (ABM) a publié les chiffres de l’activité de prélèvement et de greffe d’organes pour l’année 2023.

Développement des greffes avec donneurs vivants

« L’activité poursuit sa croissance régulière conformément aux courbes de croissance définies par le Plan ministériel 2022-2026 pour le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus » indique l’agence.

Après une baisse liée au Covid-19, 5 634 greffes ont été réalisées en 2023, ce qui représente une hausse de 2,5 % par rapport à l’année 2022. Parmi elles, 577 ont eu lieu avec donneur vivant, soit une augmentation de 8,3 %. Ces dernières font parties des pratiques promues par le Plan Greffe 2022-2026.

3 525 greffes de reins ont été pratiquées en 2023. « La greffe rénale, qui représente plus de 60 % de la totalité des greffes en France, est l’activité qui a connu la plus forte hausse : 4,4 % tous donneurs confondus, et 8,3 % pour les greffes avec donneur vivant qui ont le plus de chance de réussir » précise François Kerbaul, directeur national du prélèvement organes et tissus à l’ABM[1] (cf. L’ABM lance une campagne pour sensibiliser aux greffes rénales à partir d’un donneur vivant).

A contrario, les greffes les plus rares sont les greffes intestinales, 1 seule a été pratiquée en 2023, et les greffes cardio-pulmonaires, 9 pour cette même année.

Nouvelle hausse des prélèvements « Maastricht III »

Cette augmentation des greffes est liée à une hausse des prélèvements. En 2023, 3 132 donneurs « en mort encéphalique » ont été recensés, contre 2 984 l’année précédente, une hausse de 4,9 %. Parmi eux, seuls 1 512 ont pu être prélevés. En y ajoutant les 6 donneurs de type Maastricht II[2] et les 273 donneurs Maastricht III, « l’activité de prélèvement sur donneurs décédés a augmenté de 5,7 % par rapport à 2022, avec un total de 1 791 donneurs décédés prélevés » se félicite l’ABM.

« Les efforts et la stratégie mise en place portent donc leurs fruits, en particulier sur l’activité de greffe avec donneur vivant et le Maastricht III » relève l’agence. Les prélèvements dit « Maastricht III » doivent continuer de se généraliser dans les établissements de soins habilités, notamment les CHU. Cela fait partie des priorités de l’ABM pour 2024.

Pour accroitre le nombre de donneurs, l’agence compte donc à nouveau sur les « donneurs Maastricht III » (cf. Greffes d’organes en France : les prélèvements Maastricht 3 en hausse). Entre 2022 et 2023, ils ont connu une hausse de 18,7 %. Ce protocole, qui consiste à prélever des organes sur une personne décédée après un arrêt circulatoire suite à un arrêt ou à une limitation des traitements (LAT), est encore une fois mis en exergue, malgré les questions éthiques qu’il pose (cf. Dons d’organes en France : l’opposition augmente, les prélèvements Maastricht III aussi).

48 prélèvements chez des enfants

En 2023, l’âge moyen des « donneurs décédés » qui ont été prélevés est de 57,8 ans, un chiffre stable depuis dix ans précise encore l’ABM. Cette année, 647 donneurs de plus de 65 ans ont en revanche été prélevés, contre 597 en 2022. Il y a également eu 48 donneurs pédiatriques, dont 13 avaient moins de 5 ans.

« Ces dons sont indispensables pour soigner des bébés ou de jeunes enfants en attente d’une greffe, pour une question de compatibilité morphologique » indique l’ABM qui précise que « 18 enfants en attente de greffe sont décédés faute de greffon compatible en 2023 ».

Depuis plusieurs années, le taux d’opposition connaît une « hausse significative » pour ces prélèvements. Le Plan Greffe 2022-2026 prévoit de poursuivre leur développement, un groupe de travail spécifique a d’ailleurs été mis en place (cf. Don d’organes : le protocole Maastricht III s’étend aux enfants).

Un taux d’opposition « record »

« Ombre au tableau », le taux d’opposition. En 2023, ce taux a en effet atteint 36,1 %, contre 33 % en 2022, soit une « hausse significative de 9,4 % ».

Ces taux sont géographiquement très contrastés relève l’ABM. En Bretagne, en Pays de la Loire ou en Corse, le taux d’opposition est inférieur à 25 %, alors qu’il atteint 48,6 % en Ile-de-France, et dépasse les 50 % dans les DROM. « Nous ne disposons pas encore d’études précises pour cerner les motifs de ces oppositions » indique en revanche Marine Jeantet, directrice de l’ABM.

« Si 80 % des Français sont favorables au don d’organes[3], alors le taux d’opposition devrait plafonner à 20 %, et non pas à 36 %, comme on le constate cette année » relève David Heard, directeur de la communication et des relations avec les publics de l’Agence de la biomédecine. Selon lui, « si ce taux se maintient à un niveau aussi élevé, c’est que les Français sont trop peu nombreux à avoir fait part de leur position à leurs proches, qui, faute de connaitre la volonté du défunt, préfèrent rapporter une opposition ».

Jouant sur la corde sensible, il ajoute : « le don d’organes, c’est une des très rares occasions que l’on a de sauver 4 ou 5 vies juste avec un mot : parce que pour agir, il suffit de le dire. C’est pourquoi nous devons tous, sans exception, inscrire la question du don d’organes parmi les sujets de routine que l’on aborde de temps à autre avec son entourage ». Mais les choses sont-elles vraiment si simples ?

L’activité de greffe croît deux fois moins vite que la liste d’attente

Autre motif de préoccupation de l’ABM, l’écart existant entre le nombre de greffes réalisées et la demande. « Si l’activité de greffe croît, c’est deux fois moins vite que le nombre de nouveaux inscrits qui viennent grossir la file active des patients sur liste d’attente » admet François Kerbaul. Une situation qui a également été récemment pointée par la Cour des Comptes.

Au 1er janvier 2024, il y avait 21 866 patients inscrits en attente d’une greffe, dont 11 422 patients en « liste d’attente active » et donc immédiatement éligibles. En 2023, 823 patients sont décédés alors qu’ils étaient toujours en attente d’une greffe, ce qui représente une diminution de 22,6 % par rapport à 2022.

Le taux d’opposition n’est pas le seul obstacle à la progression de l’activité de prélèvements et de greffes. La « crise de l’hôpital », qui connait notamment des difficultés de recrutement et d’accès au bloc, est « une réalité qui nous rattrape » relève Marine Jeantet, la directrice générale de l’agence. L’activité en souffre plus que toute autre spécialité.

En 2024, « le prélèvement et la greffe doivent rester une priorité nationale pour tous les acteurs du soin » affirme l’ABM. En 2023, de nouveaux financements ont eu lieu, et 2 338 professionnels de santé ont été formés indique l’agence. Pourtant, pendant ce temps, tous les Français ne bénéficient pas d’une prise en charge appropriée de la douleur et les moyens adaptés ne sont toujours pas alloués pour y remédier (cf. Soins palliatifs : la promesse d’« une petite révolution », mais pas de moyens).

 

[1] La Croix, Antoine d’Abbundo, Greffes d’organes : pourquoi l’opposition au don augmente, 13/02/2024

[2] Décédés après un arrêt cardiaque inopiné

[3] Selon le baromètre 2024 sur la connaissance et la perception du don d’organes en France : Enquête annuelle de l’Agence de la biomédecine réalisée par téléphone du 9 au 22 janvier 2024 auprès d’un échantillon représentatif de la population française de 1000 personnes âgée de 16 ans et plus. La représentativité est assurée par la méthode des quotas appliquée selon sexe, âge, profession, région et catégorie d’agglomération. 

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