Don d’organes en baisse : un problème ?

Publié le 26 Oct, 2021

L’Agence de la biomédecine publie les chiffres de l’« activité » de transplantation dans son rapport annuel. En 2020, 4421 organes ont été greffés, 405 à partir de donneurs vivants. 10 336 patients étaient inscrits sur la liste d’attente « active » pour une greffe. 9325 l’étaient sur la liste « inactive »[1] et 933 sont décédés alors qu’ils étaient en liste d’attente.

En 2020, 3382 donneurs d’organes potentiels ont été recensés[2], 1512 ont été prélevés. Ils étaient 3839 et 1913, en moyenne respectivement, sur la période 2017-2019. Les « taux de croissance » de recensement et de prélèvement sont donc négatifs en 2020 : -11,9% et -21%. Un « ralentissement de l’activité » observé partout en Europe en raison de la pandémie de Covid-19 : de -13% en Italie ou -15% en Belgique, jusqu’à -23% en Espagne, -25% au Royaume-Uni et -27% au Portugal (cf. La communication de l’ABM pour la 21e journée du don d’organes).

Des variations en fonction des donneurs

Pour les donneurs « en état de mort encéphalique »[3], la baisse est encore plus accentuée. -15,9% pour le recensement et -22,8% pour le prélèvement.

Par contre, le nombre de donneurs décédés après arrêt cardio-vasculatoire dans le cadre du protocole Maastricht III autorisé depuis 2014, c’est-à-dire après une décision de limitation ou d’arrêt des traitements dans un service de réanimation (cf. Le protocole Maastricht III en France: retour vers une “technicisation de la mort” ; Prélèvements d’organes en France : Développement du protocole Maastricht III) sont en hausse. Une hausse marquée. L’ABM se réjouit d’« un gain de recensement en moyenne de 145 donneurs décédés » par rapport à « la période de référence » (2017-2019). Soit une augmentation de +51,8%.

Le constat est à nuancer car « le gain disparaît, explique l’ABM, si on se compare uniquement à l’année 2019 » qui avait été marquée par une augmentation de +58% du recensement et de +46% du prélèvement par rapport à l’année précédente. « Grâce entre autres à la hausse du nombre de centres autorisés. »

Une augmentation des refus

Mais l’Agence de la biomédecine constate aussi une baisse du « taux de conversion », c’est-à-dire du nombre de donneurs recensés effectivement prélevés. Alors que le recensement est en hausse de 51,8% pour les patients décédés dans le cadre du protocole Maastricht III, le prélèvement affiche une augmentation de 14,4% « seulement ».

L’ABM explique cet état de fait par une hausse des arrêts de procédure pour « cause logistique » en lien avec l’épidémie de Covid-19, mais également par la « hausse du taux d’opposition », passé de 29,7% à 37,6% en deux ans. Une opposition constatée aussi pour les patients en état de mort encéphalique, qui est passée de 30,5% à 33% en un an. Alors que ce taux s’était « stabilisé » entre 2017 et 2019. Et en ce qui concerne la greffe pédiatrique, le taux d’opposition affiche un « record » de 49%.

En 2017, la loi sur le consentement présumé (cf. Don d’organes : l’automatisme qui découle du consentement présumé s’oppose au principe même du don) a changé les règles du jeu. Désormais tout le monde est donneur, à moins de s’inscrire sur un registre de refus. L’Agence de la biomédecine explique que l’opposition au prélèvement émane de la volonté du défunt exprimée de son vivant dans 46,4% des cas, quand, dans 47,8% des situations, ce sont les proches qui disent non.

Des objectifs : toujours plus

« De nouveaux centres hospitaliers ont déposé ou sont en cours de rédaction du protocole local [Maastricht III], ce qui devrait permettre de poursuivre la croissance de cette activité dans les années à venir », se félicite l’ABM.

« Efficience » du « programme » de recensement et prélèvement, « programme » Maastricht III, « croissance de l’activité » : un vocabulaire de start-up qui interroge.

Une volonté de croissance qui passe aussi par les « échanges internationaux ». En 2020, la France a exporté 28 organes et en a importé 7. Des exportations qui concernent des groupes sanguins « rares » ou bien des « organes pédiatriques, n’ayant pas de receveur en France, à l’instant de la proposition ». Et « l’augmentation du nombre d’importations passera par une standardisation et une harmonisation des propositions en provenance de l’étranger », affirme l’agence.

La mort réduite à une gestion de flux de pièces détachées (cf. « Ton corps aussi est recyclable ! »). Loin du deuil des proches.

 

[1] Malades ayant une « contre-indication temporaire à la greffe » : aggravation ou amélioration momentanée, infection, ou « décision personnelle » du malade.

[2] 2941 donneurs décédés en « état de mort encéphalique », 16 après « arrêt circulatoire suite à un arrêt cardiaque inopiné (Maastricht 1 et 2) », 425 après « arrêt circulatoire suite à une limitation ou un arrêt des thérapeutiques (Maastricht 3) »

[3] Le décès d’origine vasculaire est la première cause

Photo : iStock

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