Contre l’infertilité et une natalité en berne, un « réarmement démographique » ?

Publié le 18 Jan, 2024

Mardi, l’Insee publiait son bilan démographique pour l’année 2023. Le verdict est sans appel : la natalité est bel et bien en berne. En effet, en 2023, 678 000 nouveau-nés ont vu le jour en France. Ils sont 48 000 de moins qu’en 2022, une baisse de 6,6 %.

Désormais, l’indicateur conjoncturel de fécondité s’établit à 1,68 enfant par femme. Or, il dépend à la fois du nombre de femmes dites en âge de procréer, et de leur fécondité. Depuis 2016, « la population féminine âgée de 20 à 40 ans est globalement stable ». « Les baisses récentes du nombre de naissances s’expliquent donc principalement par le recul de la fécondité », conclut l’Insee.

La question de l’infertilité

Causes médicales ? Environnementales ? Sociétales ? L’infertilité touche 3,3 millions de Français, un couple sur quatre en désir d’enfant [1]. Lors de sa conférence de presse, qui s’est également tenue mardi, Emmanuel Macron a annoncé un futur « grand plan » de lutte contre l’infertilité. Il était déjà prévu par la loi de bioéthique de 2021 (cf. Plan national de lutte contre l’infertilité : le début des travaux).

Selon le rapport dirigé sur le sujet par le professeur Samir Hamamah, chef de service de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier, « en France comme dans l’ensemble des pays industrialisés, la hausse de l’infertilité résulte tout d’abord du recul de l’âge à la maternité »[2] (cf. Infertilité : un rapport recommande l’information et la prévention). En 2023, l’âge moyen à la maternité s’élève à 31 ans, indique l’Insee.

« Il ne s’agit pas de forcer les couples à faire des enfants s’ils n’en ont pas envie ou à s’y mettre plus tôt s’ils ne le souhaitent pas, mais ils doivent être mieux informés, juge le professeur : beaucoup de femmes ignorent que l’âge optimal pour concevoir est à 25 ans, et qu’ensuite leur fertilité décline »[3] (cf. A Cambridge, des cours pour « éviter d’oublier d’avoir un bébé »). Il déplore en outre que trop souvent le recours à la PMA soit considéré comme « une baguette magique ».

Relancer la natalité ?

Outre le « grand plan » de lutte contre l’infertilité, le président de la République a annoncé la création prochaine d’un « congé de naissance » destiné à remplacer l’actuel congé parental. Mieux rémunéré, il devrait être plus court et concerner les deux parents.

Avec ces deux mesures, Emmanuel Macron entend permettre un « réarmement démographique ». L’idée est de « débloquer les freins économiques et sociaux au désir d’enfant ». Ces déclarations ont fait grincer des dents certaines féministes qui y ont vu « une tentative de contrôler le corps des femmes »[4].

Une vraie défense de la femme ?

« La mise en place de politiques natalistes, profondément contraires à l’autonomie des femmes, constitue une régression politique et sociale préoccupante », estime la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Mais « les féministes progressistes qui critiquent l’idée d’un “plan fertilité” de Macron pensent-elles aux femmes qui sont dans la douleur de ne pas avoir d’enfants ?, interroge la journaliste Eugénie Bastié sur X. A celles qui aimeraient en avoir davantage mais qui ne peuvent pas pour des raisons économiques ou sociales ? A l’Etat providence, condition de l’émancipation féminine, qui repose sur une natalité forte ? » « Elles qui sont les premières à employer l’argument “ça n’enlève rien à personne” quand il s’agit de faire valoir de nouveaux droits, comprennent-elles que la lutte contre l’infertilité ne va obliger personne à faire des enfants ? », interpelle la journaliste.

« Hasard du calendrier ? », mardi toujours débutait l’examen du projet de loi constitutionnel visant à garantir aux femmes la « liberté » de recourir à l’avortement. Pourtant, loin des slogans militants, des femmes témoignent des contraintes parfois subies les poussant à avorter : de la part de leur conjoint, de leurs proches, ou encore de leur milieu professionnel (cf. Un bébé ou un travail ? Les femmes sous pression ; « Avortements par La Poste » et pression sur les femmes : les médecins britanniques alertent). Certaines auraient voulu pouvoir bénéficier d’un accompagnement, d’aides financières, pour pouvoir accueillir l’enfant qu’elles portaient. Faudrait-il entamer une réflexion globale ?

En attendant la France vieillit. Le 1er janvier 2024, 21,5 % des habitants avaient 65 ans ou plus en France, 10,4% 75 ans ou plus. Et leur part est en forte augmentation souligne l’Insee. Le sujet n’a pourtant pas été évoqué par le président mardi. Sera-t-il une priorité ?

 

[1] AFP (16/01/2024)

[2] AFP (17/01/2024)

[3] La Croix, Jeanne Ferney (17/01/2024)

[4] Le Parisien avec AFP (17/01/2024)

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