CRISPR : He Jiankui veut s’attaquer à la maladie d’Alzheimer

Publié le 4 Juil, 2023

He Jiankui, le scientifique chinois « qui a suscité l’indignation mondiale » en 2018 en révélant qu’il avait fait naître les premiers enfants génétiquement modifiés (cf. He Jiankui : pas d’excuses, pas de regrets ?), a présenté une nouvelle proposition de modification des embryons humains[1]. Cette fois He Jiankui envisage de modifier les gènes d’embryons de souris, puis d’« ovules fécondés humains », autrement dit des embryons, « afin de vérifier si une mutation “confère une protection contre la maladie d’Alzheimer” »[2].

« Le vieillissement de la population est d’une grande importance, car il constitue à la fois un problème socio-économique et une contrainte pour le système médical », argumente le chercheur. Et actuellement, « il n’existe pas de médicament efficace » contre la maladie d’Alzheimer.

Quelques « précautions »

Cette expérience potentielle porte cette fois sur un type d’« ovule fécondé anormal » « généralement considéré comme ne pouvant être implanté chez une femme » [3]. En outre He Jiankui compte mettre en œuvre l’édition de base, « plus sure pour l’embryon humain » estime-t-il.

Enfin, le scientifique assure qu’« aucun embryon humain ne sera implanté en vue d’une grossesse » et qu’« une autorisation gouvernementale et une approbation éthique » seront requises avant l’expérimentation.

De vives réactions

Cette recherche potentielle inquiète déjà les scientifiques et les « experts en éthique médicale ».

« Tout cela est, pour le dire franchement, insensé », a déclaré Peter Dröge, professeur associé à l’université technologique de Nanyang à Singapour, qui se concentre sur la génétique moléculaire et biochimique. « Il veut en fait modifier génétiquement l’espèce humaine pour qu’elle ne soit pas atteinte de la maladie d’Alzheimer », analyse le professeur. Et « outre les considérations éthiques, l’édition génétique d’un embryon pour traiter une maladie complexe qui affecte les personnes vers la fin de leur vie et qui n’a pas de cause génétique unique et claire est “très discutable” ».

Selon Peter Dröge, la recherche proposée pourrait être considérée comme une étape permettant d’explorer si une telle méthode d’édition génétique pourrait être utilisée à l’avenir sur un embryon viable. Mais n’est-ce pas toujours le cas ? (cf. Jacques Testart : « Croire que la science a réponse à tout, a raison sur tout, relève du dogmatisme »)

La semaine dernière, des chercheurs présentaient leurs travaux lors de la 39e réunion annuelle de la Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie (ESHRE) : 33 embryons humains génétiquement édités avec l’outil CRISPR pour examiner la manière dont ils « réparent » leur ADN (cf. Edition génétique : les risques de la manipulation de l’embryon). Ces résultats, qui ont des « implications importantes » dans le fait d’envisager l’édition génétique « pour éliminer les maladies héréditaires graves chez les embryons », n’ont, eux, suscité ni émotion ni indignation.

 

[1] CNN, Simone McCarthy, Controversial Chinese scientist He Jiankui proposes new gene editing research (03/07/2023)

[2] He Jiankui a déclaré à CNN qu’il « recueillait actuellement les réactions des scientifiques et des bioéthiciens » et qu’il n’avait pas fixé de calendrier pour l’étude.

[3] Des zygotes tripronucléés. De 5 à 6% des embryons fabriqués lors d’une fécondation in vitro présentent une triploïdie, c’est-à-dire la présence de trois copies de chaque chromosome (Source : Elvina Pajaniapadeatchy, Analyse de la constitution chromosomique des zygotes mono- et polypronucléés par hybridation in situ par fluorescence et confrontation au nombre de pronuclei observés. Sciences du Vivant [q-bio]. 2020. ffdumas-02945621)

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