PMA et filiation : La CEDH estime inutile de faire jurisprudence

Publié le 24 Mar, 2022

Le 24 mars 2022, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt dans l’affaire C.E. et autres c. France. L’affaire concernait deux requêtes [1]. Dans les deux cas, il s’agit de filiation entre un enfant soit conçu après une PMA à l’étranger, soit « via un donneur amical en France », et l’ex-compagne de la mère biologique. Dans les deux cas, la Cour a jugé, « à l’unanimité », qu’il y avait « non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme ».

Le refus de reconnaître deux mères ?

Par cet arrêt, la Cour reconnaîtrait-elle qu’un enfant ne peut pas avoir deux mères ? Pas exactement.

En effet, pour appuyer sa décision, la Cour invoque différents éléments. Tout d’abord, « depuis la séparation des couples, malgré l’absence de reconnaissance juridique d’un lien de filiation entre les enfants concernés et l’ex-compagne de leur mère biologique, les intéressés ont mené une vie familiale comparable à celle de la plupart des familles après la séparation du couple parental ». Et « si des difficultés devaient se présenter », le juge aux affaires familiales pourrait être saisi (cf. « PMA pour toutes » : le lien de filiation à l’épreuve des séparations conflictuelles). « Il n’y a donc pas eu violation du droit au respect de la vie familiale protégé par l’article 8 », estime la CEDH.

GPA et PMA

Mais y a-t-il eu atteinte au « droit au respect de la vie privée », comme elle l’avait jugé dans l’affaire Mennesson (cf. GPA et affaire Mennesson : la Cour de Cassation permet la transcription de la mère d’intention sur l’acte de naissance) ? A l’occasion de ces requêtes, la Cour rappelle sa jurisprudence en matière de GPA. Mais note qu’il n’est pas ici question de GPA.

Ainsi, la Cour souligne que « dans des situations telles que celles des requérants, il existe, en France, des instruments juridiques permettant d’obtenir une reconnaissance de la relation existant entre un enfant et un adulte ». Et, « si une telle décision n’entraîne pas l’établissement d’un lien juridique de filiation entre celle-ci et l’enfant, elle a néanmoins pour effet de l’autoriser à exercer à son égard des droits et des devoirs qui se rattachent à la parentalité et aboutit ainsi, dans une certaine mesure, à une reconnaissance en droit de leur relation », estiment les juges. (cf. Partage de l’autorité parentale entre 4 adultes : « S’investir auprès d’un enfant ne confère en soi aucun droit sur lui »). Dans l’un des cas, la mère biologique a eu recours à ce partage.

L’impact de la loi de bioéthique

La CEDH souligne également la disposition de la loi de bioéthique voté en août 2021 qui autorise « les couples de femmes qui ont eu recours à une AMP à l’étranger avant le 4 août 2021 » à, « pendant trois ans », « reconnaitre conjointement l’enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard de la femme qui a accouché ». Une mesure « qui a pour effet d’établir également la filiation à l’égard de l’autre femme ». « La séparation postérieure du couple est sans incidence sur l’application de ce dispositif », rappelle la Cour. Dans l’une des requêtes, les plaignantes pourraient donc y avoir recours.

Dans le cas de l’enfant conçu « via un donneur amical », la CEDH indique une autre option : l’adoption simple. « Si tel n’était pas le cas tant qu’elle était mineure dès lors que sa mère biologique aurait en conséquence perdu l’autorité parentale, M.B. étant devenue majeure depuis le 13 janvier 2020, il existe ainsi, depuis cette dernière date, une procédure permettant d’établir juridiquement un lien de filiation entre elle » et l’ancienne compagne de sa mère biologique, précise la Cour.

Ainsi, pour la Cour européenne des droits de l’homme, les « instruments juridiques » existent en France. Elle ne prendra pas la peine d’imposer la filiation entre un enfant et deux femmes (cf. PMA, GPA, et la mère dans tout ça ?). Un lien qu’elle avait toutefois choisi d’imposer à la France dans le cadre d’une GPA, entre des enfants et une « mère d’intention ».

[1] Requêtes n°29775/18 et 29693/19

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