Thérapie CRISPR : après le Royaume-Uni et les Etats-Unis, le feu vert de l’Europe

Publié le 18 Déc, 2023

Vendredi, le comité des médicaments à usage humain (CMUH) de l’Agence européenne du médicament (EMA) a émis « un avis favorable à l’homologation conditionnelle [1] de la thérapie génique Casgevy [2] » pour le traitement de la bêta-thalassémie et de la drépanocytose. Le communiqué précise que l’avis concerne les « patients âgés de 12 ans et plus pour lesquels une transplantation de cellules souches hématopoïétiques est appropriée et pour lesquels un donneur approprié n’est pas disponible ».

Le traitement est en effet très lourd, puisqu’il requiert une chimiothérapie destinée à éliminer les cellules qui seront remplacées par les cellules éditées (cf. CRISPR or not CRISPR ? La FDA approuve deux thérapies géniques pour la drépanocytose).

Le troisième feu vert obtenu

La thérapie développée par Vertex Pharmaceuticals et CRISPR Therapeutics avait déjà reçu le feu vert de l’agence de santé britannique le 16 novembre, puis de la Food and drug administration américaine (FDA) le 8 décembre.

L’avis de l’EMA va à présent être transmis à la Commission européenne en vue de l’adoption d’une décision d’autorisation de mise sur le marché à l’échelle de l’UE. Une fois accordée, « les décisions relatives au prix et au remboursement seront prises au niveau de chaque Etat membre », en tenant compte du contexte du système de santé national de chaque pays. Vertex a annoncé un chiffre de 2,2 millions de dollars aux Etats-Unis (cf. Les thérapies géniques développées par Bluebird soutenues par les experts de la FDA).

Des questions éthiques ?

Selon Vincent Grégoire-Delory, maître de conférences en philosophie à l’Institut catholique de Toulouse, « la pratique n’est pas contestable sur le plan éthique tant que sa finalité est uniquement thérapeutique ». Toutefois, « certains transhumanistes souhaitent que l’on recoure à ces techniques de modification du génome pour “augmenter” l’humain », souligne-t-il. Dès lors, « il ne s’agirait plus de soigner la personne mais de la changer : autrement dit, de créer un homme nouveau, avec des caractéristiques physiques nouvelles » (cf. De la rééducation à l’augmentation ? Contrôler un « troisième bras » avec son diaphragme). Des « pratiques eugénistes » qui « relèvent du crime contre l’espèce humaine » (cf. Avis du CCNE sur les modifications ciblées du génome : « La société devrait définir le monde qu’il serait souhaitable de léguer aux générations futures »).

Complément du 19/02/2024 : La Commission européenne a approuvé le traitement mardi 13 février.

Complément du 19/11/2024 : Près d’un an après son approbation, le premier traitement médical utilisant la technologie Crispr est désormais administré aux patients. En effet, Vertex, la société pharmaceutique qui commercialise le Casgevy, a annoncé le 5 novembre que la première personne à avoir reçu la thérapie en dehors d’un essai clinique avait reçu une dose au troisième trimestre de cette année. L’entreprise a déclaré 2 millions de dollars de revenus provenant de ce patient.

Complément du 04/02/2025 : Après avoir été préconisée pour les personnes souffrant d’une forme grave de bêta-thalassémie en août 2024, la thérapie génique Casgevy est désormais recommandée par le NHS en Angleterre pour « certaines personnes vivant avec une forme grave de drépanocytose ».

 

[1] « L’un des mécanismes réglementaires de l’UE visant à faciliter l’accès rapide aux médicaments qui répondent à un besoin médical non satisfait, précise le communiqué. Ce type d’approbation permet à l’Agence de recommander un médicament pour une autorisation de mise sur le marché avec des données moins complètes que celles normalement attendues, si le bénéfice de la disponibilité immédiate d’un médicament pour les patients l’emporte sur le risque inhérent au fait que toutes les données ne sont pas encore disponibles. »

« Afin de confirmer l’efficacité et la sécurité de Casgevy », les résultats finaux des essais pivots actuellement en cours devront être présentés d’ici août 2026, ainsi que les résultats de l’étude de suivi à long terme en cours et d’autres études qui seront menées avec le produit.

[2] exagamglogene autotemcel

Sources : EMA (15/12/2023) ; APM news (15/12/2023) ; La Croix, Mélinée Le Priol (17/12/2023) ; Forbes, Robert Hart (13/02/2024) ; Wired, Emily Mullin (15/11/2024) ; BioNews, Dr Joanne Delange (03/02/2025) – Photo : iStock

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