« Score de risque polygénique » : vers la naissance d’un bébé « parfait » ?

Publié le 20 Sep, 2021

Aurea Smigrodzki est née en juillet 2020. Ses parents ont suivi un parcours de procréation médicalement assistée en 2019. Pour choisir lequel des quatre embryons allait être implanté, ils ont fait appel à l’entreprise Genomic Prediction qui a évalué leur « score de risque polygénique » (cf. Un outil d’évaluation du « risque génétique » remis en cause). Une note censée évaluer « les chances génétiques d’éviter les maladies cardiaques, le diabète et le cancer à l’âge adulte » (cf. Des tests génétiques pas toujours utiles et parfois dangereux). Ce « score » est basé « sur de multiples variations génétiques communes qui peuvent avoir chacune des effets minuscules ». Combinées, ces variations seraient associées à « des probabilités plus ou moins élevées » de développer de nombreuses maladies courantes.

Prévenir des maladies ?

« Les parents ont le devoir de donner à leur enfant le départ le plus sain possible dans la vie », estime Rafal Smigrodzki. Le père d’Aurea est neurologue en Caroline du Nord et docteur en génétique humaine. Selon lui, le test polygénique n’est pas différent des vaccins. « C’est juste une autre façon de prévenir les maladies. »

Une pratique qui pourtant a fait l’objet d’un rapport publié dans le New England Journal of Medicine au mois de juillet. Partant du constat que plusieurs entreprises américaines ou européennes proposent l’évaluation de tels scores pour des maladies telles que la schizophrénie, le cancer du sein ou le diabète, il pointe la nécessité d’un « débat urgent à l’échelle de la société ». « C’est maintenant », insiste Daniel Benjamin, un économiste spécialisé dans la génétique, ou “génoéconomiste”, de l’UCLA. La publication de ce rapport avait pourtant réjoui Nathan Treff, cofondateur de Genomic Prediction : « En fin de compte, ils ont validé le concept ».

Un nouveau marché

Probabilités et non garanties. « Les consommateurs potentiels doivent comprendre ce à quoi ils s’engagent », pointe Patrick Turley, économiste à l’Université de Californie du Sud. Selon lui, la demande pour ce type de tests va augmenter « à mesure que les progrès en matière d’analyse de l’ADN font baisser le prix et améliorent les prévisions ».

De son côté, Genomic Prediction, à la tête d’une vingtaine de cliniques, facture 400 dollars pour chaque embryon testé, auxquels s’ajoutent 1 000 dollars de frais. Parmi les concurrents sur ce marché on trouve Orchid, une start up lancée avec le soutien d’Anne Wojcicki, fondatrice de 23andMe (cf. Du business autour des tests génétiques : 23andMe vend les droits d’un médicament).

De l’eugénisme libéral

Genomic Prediction avait d’abord proposé aux futurs parents d’évaluer les risques de naissance d’un enfant « particulièrement petit ou handicapé intellectuellement ». Mais y avait renoncé en raison d’un débat sur l’eugénisme (cf. Vers le tri des embryons selon leur QI ?). Selon Michelle Meyer, juriste et bioéthicienne au Geisinger Health System en Pennsylvanie, il est légal aux États-Unis qu’une entreprise propose des scores de risque polygénique relatifs à l’intelligence, la taille, le poids ou d’autres critères. Pourtant selon Steven Hyman, directeur du Stanley Center for Psychiatric Research au Broad Institute du MIT et de Harvard, sélectionner des embryons en fonction de capacités intellectuelles présumées relève de l’eugénisme. « De l’eugénisme libéral » (cf. Jacques Testart : L’eugénisme libéral, un « eugénisme de marché »).

 

Note de la rédaction : Les auteurs du rapport publié dans le New England Journal of Medicine ne semblent s’interroger que sur la réglementation de la pratique, quand Steven Hyman parle d’eugénisme s’il s’agit de sélectionner les embryons sur un critère d’intelligence. Pourtant c’est bien la sélection d’embryon elle-même qui relève bel et bien de l’eugénisme, quel que soit le critère de sélection retenu (prédisposition à une maladie, QI, morphologie, etc.).

Par ailleurs, la sélection d’embryon ne peut pas être associée à la prévention de maladie. Un « contresens absolu » pour le professeur Jérôme Lejeune, que « de vouloir vaincre la maladie en supprimant le malade ».

 

Source : Bloomberg, Carey Goldberg (17/09/2021)

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