Remaniement : les deux ministres réticents face à l’euthanasie quittent le Gouvernement

20 Juil, 2023

La composition du prochain Gouvernement a été dévoilée le 20 juillet. Parmi les sortants, François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, et Jean-Christophe Combe, qui quitte le ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Les deux ministres s’étaient exprimés sur le sujet de la fin de vie, et avaient fait part de leurs réticences face au projet de loi souhaité par le président de la République.

« Son bilan est maigre, mais sa capacité d’action était réduite »

Alors qu’Emmanuel Macron avait annoncé un projet de loi avant la fin de l’été suite aux conclusions de la Convention citoyenne sur la fin de vie (cf. Fin de vie : La Convention citoyenne rend sa copie), l’ancien ministre de la Santé avait assuré que « le débat sur l’aide active à mourir [était] encore ouvert » (cf. Fin de vie : le ministre de la Santé vraiment réticent ?).

Un nouveau texte de loi légalisant l’euthanasie « changerait profondément notre société et notre rapport à la mort » avait alerté François Braun pour qui « accompagner la mort, ce n’est pas donner la mort ». Fort de son expérience de médecin réanimateur, le ministre plaidait davantage pour un renforcement des textes existants, n’hésitant pas à qualifier l’euthanasie de « solution extrême ».

La plupart des syndicats de soignants lui reconnaissent aujourd’hui une « bonne volonté issue de ses années de terrain ». Cela ne lui aura pas suffit. « Il n’avait pas de vision, pas de programme. Il n’y a pas eu le début de la queue d’une réforme » déplore un professionnel de santé. « Sans doute n’avait-il pas les mains libres. Son bilan est maigre, mais sa capacité d’action était réduite » relève un autre.

Différents reproches lui sont faits. Le Conseil National de la Refondation (CNR) en santé, voulu par le président de la République, est un échec. Le pacte de refondation des urgences est loin d’être la panacée. L’ancien président du SAMU n’a pas su, non plus, apaiser les tensions avec les médecins libéraux, ni encadrer le développement des plateformes de téléconsultation (cf. Téléconsultations : l’Ordre des médecins multiplie les avertissements).

Quelle « marge de manœuvre » pour le nouveau ministre ?

Il est désormais remplacé par Aurélien Rousseau, l’ancien directeur de cabinet d’Elisabeth Borne et ancien patron de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France qu’il a dirigée pendant la crise sanitaire.

« Il a l’expérience, il sait très bien comment fonctionne la machine, l’Elysée, Matignon. Il connaît Alexis Kohler (le secrétaire général de l’Elysée) et Emmanuel Macron », indique une proche qui a travaillé avec lui à la mairie de Paris.  « C’est quelqu’un avec qui nous pourrons échanger. (…). Après la question est celle de sa marge de manœuvre » a de son côté fait remarquer Agnès Giannotti, présidente du principal syndicat de médecins généralistes, MG France.

Le nouveau ministre de la Santé va devoir faire face à un système de soins en crise. Il aura aussi dans son portefeuille le projet de loi sur la fin de vie, dont était jusque-là chargée Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé (cf. Fin de vie : Agnès Firmin Le Bodo esquisse le futur projet de loi).

« Un modèle construit à partir de la personne » qui n’a pas su convaincre ?

Jean-Christophe Combe quitte lui le ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Il avait lui aussi récemment exprimé ses « convictions » sur le projet de loi sur la fin de vie voulu par le président de la République, et fait part de ses inquiétudes (Cf. Fin de vie : attention au message envoyé aux personnes vulnérables).

« Il faut être très vigilant au signal que nous envoyons aux personnes qui se sentent fragiles ou désespérées et à leurs familles » prévenait-il. Une loi sur l’« aide active à mourir » risquerait « de nous faire basculer dans un autre rapport à la vulnérabilité ».

Dénonçant « la solitude face à la souffrance et à la mort », le ministre avait rappelé que « l’aspiration la plus profonde, c’est le lien aux autres » (cf. « La mort ne sera jamais la solution. La solution c’est la relation »). Il prônait pour sa part « un modèle construit à partir de la personne. Un modèle fait du refus de l’obstination thérapeutique déraisonnable, de soins palliatifs mieux connus et plus précoces, de soutien aux aidants, de liens sociaux ».

« Je tiens vraiment à ce que l’on prenne le temps de discuter la proposition de loi “bien vieillir” » avait en outre indiqué le ministre. « Les Français attendent les mesures très concrètes de ce texte autour de la lutte » ajoutait-il.

La proposition de loi « bien vieillir » reste un chantier d’Aurore Bergé

Des promesses qu’il n’a pu tenir. Mardi 18 juillet, la proposition de loi « bien vieillir » a été retirée de l’ordre du jour de la fin de semaine de l’Assemblée nationale, sans qu’aucune nouvelle date n’ait été annoncée, suscitant inquiétude et incompréhension (cf. Retrait de la proposition de loi « bien vieillir » : un « mépris pour les personnes âgées »).

Trop peu « politique ». Plus l’aise sur le terrain qu’à l’Assemblée nationale, l’ancien directeur de la Croix-Rouge sera resté à peine plus d’un an au Gouvernement. Sa vision du grand âge comme celle de la fin de vie ne semblent pas avoir convaincu au sein de l’Exécutif.

Désormais, c’est Aurore Bergé, jusqu’ici présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, qui est nommée ministre des Solidarités et des Familles. La députée des Yvelines a récemment porté la proposition d’inscrire le « droit à l’avortement » dans la Constitution (cf. France : inscrire le « droit à l’avortement » dans la Constitution ?). Au moment de l’examen de la proposition de loi portée par Olivier Falorni (cf. La PPL Falorni tombe en désuétude – le spectacle exagéré des promoteurs de l’euthanasie), Aurore Bergé s’était déclarée contre l’euthanasie estimant que ce n’était pas le « bon moment politique ». Elle précisait toutefois ne pas avoir « la prétention » de dire qu’elle ne changerait jamais de point de vue.

Geneviève Darrieussecq, déléguée aux Personnes handicapées, arrivée au Gouvernement avec Jean-Christophe Combe, n’est pas non plus reconduite. Elle sera remplacée par la députée Fadila Khattabi. La députée Renaissance et ex-présidente de la commission des affaires sociales avait récemment commandé à la Cour des comptes son rapport sur les soins palliatifs (cf. Soins palliatifs : un rapport commandé à la Cour des Comptes). Elle avait aussi cosigné la proposition de loi tombée dans les limbes (cf. Une proposition de loi sur le grand-âge pour oublier la promesse non tenue ?).

Aurore Bergé, la nouvelle ministre, devra désormais reprendre à son compte la « feuille de route » annoncé pour septembre afin de venir en aide au secteur des Ehpad. La suite réservée à la proposition de loi de la majorité présidentielle consacrée au « bien vieillir » fait également partie des « chantiers » de son ministère. Que fera-t-elle ?

Vendredi matin, Emmanuel Macron présidera le premier conseil des ministres de la nouvelle équipe gouvernementale. Désormais, les oppositions au projet de loi sur l’euthanasie semblent écartées au sein de l’Exécutif. Quel message le nouveau Gouvernement enverra-t-il aux personnes âgées ou vulnérables ? Quels moyens se donnera-t-il pour les accompagner ?

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