La PPL Falorni tombe en désuétude – le spectacle exagéré des promoteurs de l’euthanasie

Publié le 9 Avr, 2021

C’est en milieu d’après-midi jeudi que les députés débutent l’examen du texte d’Olivier Falorni (PRG) sur l’aide médicalisée active à mourir. L’ambiance jusque-là sérieuse prend un tournant de mauvais spectacle lorsque le rapporteur monte au perchoir. Applaudi par l’hémicycle comble pendant de longues secondes, il débute son discours tel un héros qui vient sauver la nation. Il expose avec calme l’honneur de conquérir « l’ultime liberté ». Mais au moment où il précise qu’il respecte toutes les opinions, le voilà qui vocifère sur les députés de l’opposition tapant du poing sur la pile des 3200 amendements (imprimés et placés théâtralement devant lui), qui empêcheront l’examen complet de son texte.

Obstruction ou démocratie ?

Le texte était examiné dans le cadre d’une niche parlementaire du groupe Libertés et territoires. Comme toutes les niches, le temps de débat était limité à 11h. Avant même la séance, on savait donc que le nombre d’amendements déposés rendrait impossible l’examen du texte, qui tomberait en désuétude une fois minuit passé. Mais comme Julien Ravier (LR) l’a rappelé, « le droit d’amender est constitutionnel ». Le dépôt d’amendement est garant de la démocratie dans le débat parlementaire. Comment donc qualifier d’obstruction le droit d’amender des députés en désaccord avec l’euthanasie ? « Chacun s’est battu avec ses armes » termine Julien Ravier. Patrick Hetzel (LR) a d’ailleurs dénoncé les accusations théâtrales « étant donné le contexte sanitaire et la niche parlementaire, vous saviez que votre texte ne pouvait pas passer, vous jetez l’opprobre sur ceux qui ont une autre voix, mais nous aussi nous avons été élu comme vous ». Et Xavier Breton (LR) de dire « vous auriez en fait souhaité un vote sans débat ».  

Sagesse du gouvernement et quelques annonces

Dès le début de la discussion générale, on comprend aussi que le gouvernement qui semblait ferme il y a à peine un mois sur le sujet, commence déjà à baisser la garde. Lors de l’examen au Sénat de la proposition de loi de Marie-Pierre de la Gontrie (PS) (cf. Le Sénat rejette l’euthanasie, le gouvernement fait des annonces), le gouvernement avait donné un avis défavorable. Devant les députés, c’est maintenant un avis de sagesse qu’il émet, rappelant tout de même qu’il préfèrerait un débat national. Tout en répétant les annonces faites au Sénat (plan triennal de soins palliatifs, mise à disposition du midazolam, formation initiale et continue sur la sédation profonde et continue etc.), Olivier Véran annonce le lancement dans les prochains jours d’une « mission sur l’application réelle de la loi Claeys Leonetti et l’accès à ses pratiques » et la saisine le moment venu du CCNE et du CESE pour que la société civile prenne part au débat.

Objectif : faire pression, donner de l’ampleur à la volonté de légiférer

Les « On a gagné » accompagnés d’applaudissements intempestifs après chaque prise de parole des supporters de la proposition de loi, ont donné un goût d’exagération et de décalage. Plus d’une fois pendant la séance ce type de manifestations a fait penser à un match de foot, à une scène de théâtre, bien indécent pour l’hémicycle. Philippe Gosselin (LR) l’a souligné : « Ce soir, en voyant l’attitude de certains, ceux qui souffrent, ceux qui sont malades, ou encore les soignants, sont bien loin. Où était l’éthique ce soir ? ». Mais l’objectif était limpide comme l’a finalement exprimé Christine Pires Beaune (PS) : « A vous maintenant Monsieur le ministre d’inscrire ce texte à l’ordre du jour quand vous voulez et avant la fin du mandat merci ». Olivier Falorni brandira pour preuve de la volonté de légaliser l’euthanasie les deux scrutins publics suivants : le vote de rejet des amendements de suppression de l’article 1 (256 voix contre 56 – scrutin n°3570) ou encore le vote de la réécriture de l’article 1 (amendement 2929 de Guillaume Chiche (LREM) voté par 240 voix contre 48). Il faut d’ailleurs noter que ce dernier amendement était en réalité une manœuvre d’Olivier Falorni pour s’assurer d’un vote de principe. Frédéric Reiss (LR) l’a dénoncé : « On ne vote pas la loi à l’applaudimètre, en proposant de réécrire l’article 1 avec l’amendement de Monsieur Chiche vous avez privé les députés qui ont déposé des amendements sur l’article 1 de prendre la parole ». Chacun a utilisé ses armes…

La courageuse réplique : « Votez, twittez, applaudissez, dissimulez »

Après une discussion générale majoritairement en faveur de l’euthanasie, la deuxième partie du débat a été occupée par la défense des sous-amendements à l’amendement de Guillaume Chiche. Seul moyen pour les députés attentifs au respect de la vie de prendre la parole et exposer leur argumentation. Xavier Breton (LR), Patrick Hetzel (LR), Julien Ravier (LR), Marc Le Fur (LR), Thibault Bazin (LR), Frédéric Reiss (LR), Agnès Thill (Union des démocrates, radicaux et libéraux) ont tenu courageusement à dénoncer les termes édulcorés de la proposition de loi. Ils ont rappelé combien l’éthique de la vulnérabilité, l’accompagnement du malade, étaient essentiels. Ils ont clarifié l’évidence : « la mort n’est pas un soin ». Julien Aubert (LR) aussi interrogera : « Qui décide si la dignité n’est pas inhérente au fait d’être une personne ? ». On peut enfin noter l’intervention de Nadia Essayan (Modem) : l’euthanasie amènera les questions suivantes : « dois-je rester en vie ? dois-je partir car c’est trop dur pour mes proches, ou trop coûteux pour la société ? ». Ou encore celle de Typhanie Degois (LREM) : « Est-ce une liberté d’enfermer une personne vulnérable dans la solitude de sa décision au nom d’une illusoire autonomie souveraine ? Nous sommes une société, chacun de nos choix a une dimension collective […] nous rentrons dans la dictature de l’émotion […] je suis opposée à un Nième droit qui sacralise l’individualisme et qui condamne notre civilisation à un conglomérat d’intérêts particuliers sans avenir ».

La réplique est ferme et l’écho donné à la parole des médecins (cf. Euthanasie : des médecins disent non, et ils ne sont pas les seuls) : « provoquer la mort ne sera jamais un acte médicalement justifié ».

Euthanasie / avortement, même combat : se posséder soi-même

Le rapporteur n’aura même pas pris la peine de répondre aux questions ou argumentation exposées, signant une sorte de mépris et permettant aussi de ne pas gaspiller du temps. Ce sont finalement Jean-Louis Touraine (LREM) et Jean-Luc Mélenchon (LFI) qui déploieront avec une transparence glaciale la philosophie de fond de la proposition de loi d’Olivier Falorni. Jean-Louis Touraine fait le parallèle : « de la même façon que les femmes ont décidé de poursuivre ou non leur grossesse, les malades doivent pouvoir mettre un terme ou non à leur agonie ». Jean-Luc Mélenchon conclura : « L’être humain est auteur de son histoire. Chaque pas qui rend une personne plus maîtresse d’elle-même la fait avancer en humanité, même si c’est cruel d’éteindre la lumière. La liberté c’est se posséder soi même, c’est être créateur de soi ».

L’idéologie est forte. Olivier Falorni l’a endossée avec son texte. La majoration de l’impact du vote de l’amendement Chiche, comme preuve de principe, sert sa cause. A voir si le gouvernement ploie sous la pression ou attend 2022…

Pour aller plus loin : Premiers pas vers l’euthanasie : entre émoi et effroi

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