Neuralink : encore des annonces, toujours pas de publications scientifiques

Publié le 22 Fév, 2024

Le 19 janvier, Elon Musk a annoncé sur X, anciennement twitter, que le premier patient ayant reçu un implant cérébral de Neuralink était capable de faire bouger une souris d’ordinateur « par la pensée » (cf. Un premier implant Neuralink chez l’homme, le « spectre d’un nouvel esclavage » ?). « Les progrès sont bons, le patient semble s’être complètement rétabli, sans effets secondaires dont nous ayons connaissance. Et il est capable de contrôler la souris, de la déplacer sur l’écran juste par la pensée » a-t-il affirmé. Pour le moment, aucune publication scientifique ne permet toutefois d’appuyer ces tweets.

Les ambitions de Neuralink

Après avoir reçu en septembre le feu vert de la Food and Drug Administration (FDA) pour un premier essai clinique chez l’homme (cf. Neuralink : feu vert de la FDA pour des essais sur l’homme), Elon Musk a annoncé la pose de l’implant cérébral chez un patient en janvier.

« Nous travaillons actuellement sur la possibilité de cliquer sur la souris à gauche et à droite, de la déplacer vers le bas et vers le haut, ce qui est nécessaire si vous voulez cliquer sur quelque chose et le faire glisser vers un autre endroit » a précisé Elon Musk. L’objectif affiché est de permettre à une personne tétraplégique « de contrôler un ordinateur, une souris, son téléphone ou n’importe quel appareil… simplement par la pensée » avait annoncé le fondateur de la start-up lors d’une discussion en ligne en 2021. Mais ses ambitions ne s’arrêtent pas là. Au-delà, elles vont jusqu’à vouloir « faire remarcher les patients paralysés », « rendre la vue aux aveugles » et « guérir des maladies psychiatriques comme la dépression ». Elon Musk juge même son implant destiné à tous, « afin de permettre de mieux communiquer avec les ordinateurs et de contenir le “risque pour notre civilisation” que fait peser l’intelligence artificielle » (cf. Intelligence artificielle : « Des risques majeurs pour l’humanité »).

« Un nouvel esclavage » ? 

D’autres sociétés comme Onward, Clinatec ou l’entreprise australienne Synchron effectuent des recherches similaires (cf. Essai d’un implant cérébral pour traiter la dépression). Cette dernière mène ses essais en Australie et aux Etats-Unis. En 2021, la FDA lui a donné son approbation pour des essais cliniques et en juillet 2022, le premier dispositif a été implanté chez un patient américain. Contrairement aux essais de Neuralink, ses essais sont répertoriés par ClinicalTrials.gov, une base de données en ligne gérée par les National Institutes of Health des Etats-Unis.

Dans un communiqué de presse publié en décembre 2023, l’Académie de médecine met en garde sur les ambitions de ces entreprises (cf. Implants cérébraux : l’intérêt, et les craintes, de l’Académie de médecine). « Si la grande majorité des sociétés investissant dans ce domaine vise, semble-t-il, à développer des implants cérébraux à usages strictement médicaux, certains acteurs, comme Neuralink, ne cachent pas leurs ambitions de doter les humains d’implants pouvant augmenter leurs capacités intellectuelles (mémoire, calcul, motivation, créativité, transmission de pensée…), créant ainsi une classe d’êtres humains “augmentés” » alerte-t-elle. Or, « cette quête d’un transhumanisme est porteuse de risques très importants, comme de créer deux nouvelles catégories d’êtres humains, l’une, dont le comportement, préfiguré par celui de nombreux utilisateurs actuels de réseaux sociaux, pourrait rester sous le contrôle de l’entreprise responsable de l’implant, instaurant une nouvelle forme d’esclavage, l’autre, disposant de capacités intellectuelles supérieures lui permettant de dominer la population non équipée » (cf. François-Xavier Bellamy : « Le transhumanisme est d’abord une détestation de l’humain »).

Un risque d’esclavage pointé également par le Pape François qui, à l’occasion de la 58e Journée mondiale des communications sociales, a insisté sur le fait que « d’un côté se profile le spectre d’un nouvel esclavage, de l’autre une conquête de liberté ; d’un côté la possibilité que quelques-uns conditionnent la pensée de tous, de l’autre la possibilité que tous participent à l’élaboration de la pensée » (cf. IA : le Pape appelle à orienter les nouvelles technologies vers « la recherche du bien commun »).

Complément du 28/03/2024 : Un législateur américain, Earl Blumenauer, a demandé à la Food and Drug Administration (FDA) pourquoi elle n’avait pas mené d’inspection de Neuralink, avant de l’autoriser à tester son dispositif sur des humains. Il indique être préoccupé par le fait que l’agence ait ignoré des « preuves troublantes » de violations en matière d’expérimentation animale qui avaient été soulevées depuis 2019 « au moins » (cf. Neuralink : plainte et enquête pour maltraitance animale).

Des inspecteurs de la FDA avaient constaté des problèmes de tenue des registres et de contrôle de la qualité des expériences sur les animaux chez Neuralink en juin dernier, moins d’un mois après que la startup ait annoncé qu’elle était autorisée à tester ses implants cérébraux sur des êtres humains.

Des employés de l’entreprise avaient aussi dénoncé un « calendrier précipité », « causant des souffrances et des décès inutiles ». Les employés craignaient également que la qualité des données ne soit compromise. « Ces manquements présumés aux procédures standard ont potentiellement mis en danger le bien-être des animaux et compromis la collecte de données pour les essais sur l’homme », estime Earl Blumenauer.

La FDA a indiqué qu’elle lui répondrait directement. L’agence a également indiqué qu’elle procédait régulièrement à des inspections après l’approbation d’un essai sur l’homme. Lorsqu’elle a inspecté Neuralink, la FDA a déclaré qu’elle n’avait pas constaté de « violations susceptibles de compromettre la sécurité de l’essai ». (Source : Reuters, Marisa Taylor (26/03/2024))

Photo : iStock

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