Médecine génomique : promesses tenues ?

Publié le 11 Jan, 2023

La « naissance officielle » de la médecine génomique date de 2003, alors que les scientifiques du programme Human Genome Project annonçaient « le premier décryptage complet du génome humain ». Un décryptage complet en fait finalisé au printemps dernier (cf. Human Genome Project : la carte complète dévoilée).

Un développement qui « se fait plus lentement qu’espéré »

Depuis, « le développement de la médecine génomique se fait plus lentement qu’espéré, constate le généticien Patrick Gaudray. Il y a quinze ans, le Téléthon laissait penser qu’on allait guérir des milliers d’enfants. Force est de constater que ce n’est pas encore le cas. » (cf. Jacques Testart : « Le Téléthon, c’est quelque chose qui me choque beaucoup »). Certes, « on a avancé dans la compréhension des maladies monogéniques, mais on n’en sait pas beaucoup plus sur des maladies très fréquentes qui continuent de tuer, comme le cancer, l’hypertension ou le diabète », souligne de son côté Ariane Giacobino, médecin généticienne aux Hôpitaux universitaires de Genève et membre du CCNE.

En 2016, la France lançait le Plan France Médecine Génomique 2025 (cf. Plan France Génomique 2025 : avancées discrètes). Doté de 400 millions d’euros, il visait à « démocratiser la médecine génomique en intégrant le séquençage génomique à très haut débit dans le parcours de soins du patient ». Ainsi, chaque année, le génome de 20 000 patients souffrant de maladies rares ou de cancers spécifiques devait être séquencé. Mais avec encore seulement deux plateformes de séquençage à très haut débit[1] sur les douze prévues initialement, les objectifs sont « très loin d’être atteint[s] »

Les risques du séquençage

En outre, « passer au crible l’ADN, c’est aussi risquer de trouver ce qu’on ne cherchait pas ». En France, les tests génétiques ne sont autorisés qu’à « des fins médicales et de recherche scientifique ». Pas aux Etats-Unis. Ainsi, des Français qui y ont eu recours « se retrouvent face à une liste de variations génétiques dont ils ne savent pas quoi penser et souvent, ils regrettent leur démarche », indique Ariane Giacobino.

Car « apprendre qu’on est porteur d’une mutation n’engage pas que soi, mais ses frères et sœurs, qui ont 50 % de risques d’en être eux aussi porteurs, pointe-t-elle. A-t-on le devoir de les informer, ou prend-on la responsabilité de ne rien leur dire ? » (cf. Angleterre : elle n’est pas informée de la maladie génétique de son père, elle poursuit l’hôpital)

Le généticien Patrick Gaudray n’a pas fait séquencer son génome. « Mes amis généticiens sont souvent choqués que je ne profite pas de cette technologie, témoigne-t-il. Mais pour quoi faire ? Pour apprendre des choses que je sais déjà, ou que je n’ai pas besoin de savoir ?». Avec en toile de fond, la question du devenir de « toutes ces données que des sociétés américaines cumulent et commercialisent » (cf. Du business autour des tests génétiques : 23andMe vend les droits d’un médicament).

 

[1] SeqOIA (qui couvre la partie nord et ouest de la France) et AURAGEN (pour le sud et l’est)

Source : La Croix, Jeanne Ferney (09/01/2023) – Photo : iStock

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