« L’inscription et la constitutionnalisation d’un mensonge »

Publié le 7 Mar, 2024

Alors que le Congrès a adopté le 4 mars l’inscription de la « liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse » dans la Constitution (cf. La France inscrit l’avortement dans sa Constitution. Et ensuite ?), Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, dénonce les conséquences de ce vote.

Quelle est votre réaction après le vote des parlementaires au château de Versailles ?

Jean-Marie Le Mené : Inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution est en réalité l’inscription et la constitutionnalisation d’un mensonge (cf. Constitutionnalisation de l’avortement : le « mensonge qui tue » en « étendard »). Dans notre société française, l’IVG est déjà très libéralisée, elle est reconnue de tous et accessible (cf. France : 234 300 avortements en 2022). En l’inscrivant dans la Constitution, on nie le côté inconcevable de l’avortement, la terrible douleur comme la souffrance de séparer l’enfant de sa mère et de mettre fin à sa vie (cf. « Deuil caché » : « une réhabilitation de la souffrance » des femmes qui ont avorté). On le voit bien d’ailleurs, les défenseurs de l’inscription de l’IVG dans la Constitution n’ont qu’une crainte, celle qu’on fasse écouter le cœur ou que l’on montre une échographie d’un bébé qui va être avorté.

Pour autant, il faut continuer à parler et à informer. Vous savez ce qu’on dit, le véritable désespoir n’a plus de voix, tant que quelqu’un parle, il reste une lueur d’espoir, on a le devoir de briser cette chaîne du mensonge.

Quel est le message envoyé aux personnes fragiles dans un contexte d’une préparation de loi en faveur de l’euthanasie ?

JMLM : On observe dans notre société, et encore plus avec ce Gouvernement, une sorte de fascination morbide, une culture de la mort qui est mise en place, contraire de la vie (cf. « Nous sommes dans une société thanatophobe et mortifère »). En abandonnant toute dimension de la personne humaine, en ne laissant qu’à l’homme la liberté de choisir qui est un être humain ou qui ne l’est pas, qui a le droit de vivre ou pas, on met en place un système qui ne tient plus compte de la primauté de la vie et le besoin de la respecter, de la protéger.

Peut-on craindre pour la liberté de conscience du personnel médical ?

JMLM : Oui car déjà des demandes en ce sens ont été formulées par les députés de la NUPES, mais les médecins y sont très attachés (cf. IVG : « la disparition de la clause de conscience conduirait des soignants à démissionner »). Des tentatives ont déjà été entreprises par le passé, mais elles n’ont pas abouti. En Italie, de nombreux médecins ne veulent plus pratiquer des avortements, peut-être qu’en France nous aurons cette même lassitude du corps médical. Néanmoins, c’est possible que le Gouvernement passe outre les demandes et désirs du corps médical, comme cela a été fait pour l’allongement de la durée autorisant une interruption volontaire de grossesse en mars 2022 (cf. Allongement du délai d’IVG : l’inquiétude des gynécologues).

Je redoute aussi un nouveau durcissement du délit d’entrave à l’IVG, promulgué par la loi de 2017. Cette dernière punit de deux ans de prison et de 30.000 euros d’amende toute tentative en ligne de diffuser des informations « de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences d’une interruption volontaire de grossesse » (cf. Délit d’entrave à l’IVG : l’Assemblée nationale censure la liberté d’expression).

Que répondre aux femmes et hommes qui considèrent que cette inscription est une avancée pour l’Humanité ?

JMLM : On a bon espoir que la reconnaissance des violences faites aux femmes s’élargisse un jour à l’avortement car souvent les femmes sont forcées, poussées et laissées avec leur souffrance d’avoir avorté (cf. Lutter contre les violences contre les femmes en promouvant l’avortement ?).

Notre société a-t-elle un problème avec l’accueil de la fragilité ?

JMLM : Il y a aujourd’hui effectivement une grande ambivalence, on soutient l’intégration des personnes handicapées et en même temps, la pression eugéniste est très importante avec le dépistage prénatal et l’avortement. On voit beaucoup de parents d’enfants handicapés qui viennent nous voir à la Fondation Lejeune et nous disent « heureusement qu’on ne l’a pas su avant sa naissance, ce serait impensable pour nous aujourd’hui qu’il ne soit pas parmi nous » (cf. Labellisation de l’Institut Lejeune : la reconnaissance de l’« excellence remarquable » des soins pratiqués).

 

Cette interview a été initialement publiée par Famille Chrétienne. Elle est ici reproduite avec l’accord de son auteur.

Jean-Marie Le Méné

Jean-Marie Le Méné

Expert

Haut-fonctionnaire, Jean-Marie le Méné est aussi l'un des fondateurs et président de la fondation Jérôme Lejeune, reconnue d'utilité publique. La Fondation Jérôme Lejeune est spécialisée dans la recherche sur les déficiences intellectuelles d'origine génétique. Soucieuse de développer des thérapies innovantes, la Fondation finance également un consortium international de recherche en thérapie cellulaire. Jean Marie Le Méné est l'auteur de plusieurs ouvrages dont "Le professeur Lejeune, fondateur de la génétique moderne" (1997, édition Mame), "La trisomie est une tragédie greque" (Salvator, 2009) et "Nascituri te salutant" (Salvator, 2009)

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