« Le plus dur n’est pas d’attendre un enfant malade, mais de gérer l’attitude du corps médical »

Publié le 20 Mar, 2024

Alors que la « liberté » de recourir à l’avortement vient d’être inscrite dans la Constitution (cf. La France inscrit l’avortement dans sa Constitution. Et ensuite ?), Constance Garin, une maman marseillaise, a accepté de témoigner de l’incompréhension et des pressions exercées par le corps médical au cours de sa grossesse pour ne pas qu’elle garde sa fille Zélie atteinte de trisomie 18.

« J’ai très rapidement l’intuition que quelque chose cloche quand je tombe enceinte de Zélie en 2015, raconte Constance Garin, une sage-femme de 36 ans et aujourd’hui maman de quatre filles.

Je demande très tôt une échographie de datation. Le médecin s’émerveille en évoquant « le cœur du bébé qui bat », mais je ne suis pas rassurée. Trois mois plus tard, il pointe un problème au cerveau. Exit l’enthousiasme. Ses mots changent. Il passe du « bébé » au « fœtus », propose une interruption médicale de grossesse (IMG), et nous oriente vers des spécialistes en diagnostic prénatal à Marseille.

« Vous allez gâcher l’existence de vos deux autres filles »

La gynécologue du service note alors de nouvelles malformations. Une trisomie 18 ? « Pour l’amniocentèse, on va faire vite », propose-t-elle. Mais je suis réticente. L’examen peut déclencher un accouchement prématuré (cf. Une amniocentèse provoque une fausse couche : fin des poursuites contre l’hôpital). Je le sais bien, du fait de ma profession. Or, je veux garder mon enfant. « C’est ridicule, rétorque la praticienne. Les risques de fausse couche sont minimes ». Elle rejette toutes mes objections d’un revers de main, et poursuit sur un ton alarmiste : « Je connais une personne atteinte de trisomie 18 qui a vécu vingt ans. Vous allez gâcher l’existence de vos deux autres filles ». Puis, avec humeur : « On peut aussi décider que je ne vous suis plus et que vous vous débrouillez ».

Pour moi, le plus dur n’est pas d’attendre un enfant malade, mais de gérer l’attitude du corps médical.

« Une petite fille lumineuse qui nous travaille au cœur »

A huit mois de grossesse, j’accepte l’amniocentèse car, en cas de naissance, le bébé est viable. Le jour J, j’attends des heures dans ma chambre. « Je vous ai oubliée », avoue l’interne. Même scénario pour l’habituel monitoring après examen pour voir si le cœur bat toujours. Devant mon insistance pour en bénéficier, une sage-femme soupire : « Détendez-vous, on a l’habitude d’accompagner les IMG » (cf. Dépistage et diagnostic prénatal : les techniques évoluent, la trisomie 21 est toujours ciblée). Je dois encore une fois expliquer que je veux cet enfant. Enfin, lors du dernier rendez-vous avant la naissance, la gynécologue nous pose un « lapin ». J’ai l’impression que l’équipe obstétrique, démunie devant mon refus de l’IMG, se désintéresse totalement de mon cas.

Aujourd’hui, Zélie a sept ans. Elle est polyhandicapée et dispose de l’autonomie d’un bébé de trois mois, mais elle sourit. C’est une petite fille lumineuse qui nous travaille au cœur. Même si le quotidien reste lourd, sa vie vaut la peine. Il suffit d’écouter sa grande sœur de 13 ans, qui me disait il y a quelques jours : « Maman, Zélie nous apporte tant de joie ! » (cf. Le handicap : le témoignage des frères et sœurs). »

 

Ce témoignage a initialement été publié par la revue Ombres et Lumière.

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