Le gouvernement déroule sa politique de procréation artificielle

Publié le 1 Oct, 2021

La loi de bioéthique à peine votée, le gouvernement publie les modalités d’application de la “PMA pour toutes”. Sans masquer ses intentions.

C’est au Conseil des ministres du mardi 29 septembre, que le gouvernement a déroulé officiellement sa politique de promotion de la procréation artificielle pour la France.

Alors qu’il s’était prêté à une « avant-première » en présentant quelques jours auparavant les principaux éléments de mise en place de la « PMA pour toutes » aux professionnels concernés (cf. PMA pour toutes : 8 millions pour faire face à l’afflux des demandes »), le gouvernement a déroulé dans son compte rendu du conseil des ministres du 29 septembre son dispositif complet de l’activité de PMA, en donnant quelques détails qui révèlent l’objectif visé, à savoir que la procréation en laboratoire soit un mode de procréation à part entière.

Plusieurs éléments marquent à la lecture de ce compte rendu :

– l’investissement financier d’abord. Comme exposé en argument de satisfaction aux professionnels de la PMA la semaine dernière, le gouvernement détaille son plan de financement de la PMA pour tous (femmes seules, femmes homosexuelles, mais aussi toutes personnes souhaitant congeler ses gamètes en prévision d’une PMA ultérieure) : 1 million en avril 2021, 2,3 millions en juin, 4 millions en septembre. Soit 7,3 millions investis en 2021 en plus des 22,1 millions de financement de base de l’AMP. Autrement dit, la mise en place de la PMA pour tous ceux qui le souhaitent coûte en 2021 à la France 29,4 millions d’euros.

Ces « crédits d’amorçage exceptionnels » se poursuivront jusqu’en 2024 précise le gouvernement. Un financement qui interroge alors que l’hôpital est en banqueroute et que les sages-femmes, par exemple, n’ont réussi à arracher qu’une petite augmentation financière… Impossible de ne pas penser que le gouvernement investit en réalité là où cela rapporte. La PMA est devenue, comme le dit Jacques Testart un « business procréatif », un nouveau domaine de la « médecine » d’aujourd’hui bien plus lucratif qu’il n’y paraît.

– l’empressement à ne pas faire attendre le lobby LGBT, un souci électoral

Olivier Véran avait annoncé à la fin du débat sur la loi bioéthique que les décrets d’application étaient déjà en cours de rédaction (alors que la loi n’était toujours pas promulguée) afin que le premier bébé à « deux mères » naisse « avant la fin du mandat ».

Malgré la publication du décret d’application ce mercredi (cf. PMA : publication du premier décret de la loi bioéthique), le timing semble serré pour tenir cette promesse. Aussi, pour satisfaire les mécontents, le gouvernement annonce « une réduction des délais d’attente pour bénéficier d’une AMP avec tiers donneurs à six mois, contre douze en moyenne aujourd’hui sur le territoire national ». Il précise : « l’atteinte de cet objectif, ainsi que le début, avant la fin de la mandature, de grossesses chez les couples de femmes et femmes non mariées […] seront les témoins de la réussite de la réforme ». Le gouvernement cherche par-là, et à tout prix (plus de 7 millions…) à satisfaire le lobby LGBT en vue de la présidentielle. La « PMA pour toutes » a été brandie par le gouvernement comme la réforme sociétale majeure du quinquennat. Le bébé à deux mamans, que l’on enjoint de naître au plus vite, devient l’objet, le gage, de la campagne LREM de ces prochains mois. Faut-il rappeler que l’on parle d’un enfant, et non d’une idée politique ? Cette instrumentalisation politique met mal à l’aise…

– l’impunité pour les fraudeurs à la loi

Le compte rendu du conseil des ministres souligne que, la loi bioéthique prévoyait également « pendant trois ans, la possibilité pour les femmes ayant eu recours à la procréation médicalement assistée à l’étranger avant son entrée en vigueur, de procéder à une reconnaissance conjointe  devant notaire ». Ainsi, les femmes qui ont contourné la loi en faisant, ces dernières années, des PMA à l’étranger (jusqu’ici strictement interdites par la loi française) vont pouvoir établir une double filiation maternelle. Le contournement à la loi n’a aucune conséquence. Les femmes sont excusées et même encouragées, à être reconnue comme mères. Cette rétroactivité de la loi interroge. Comment la loi peut-elle avoir autorité pour le bon fonctionnement de la société si les comportements frauduleux sont sans effets, voire considérés comme « vertueux » a posteriori ? Ce « détail » illustre à nouveau le fait qu’en matière « bioéthique », la loi se fait et se défait sans aucune référence à des valeurs éthiques supérieures. Le « progrès sociétal » est seul guide. Mais où est le progrès quand les enjeux touchent des enfants à venir qui seront privés de père ?

– la prise d’otage des jeunes, potentiels donneurs

Enfin, le gouvernement annonce la diffusion d’une « campagne de promotion du don de gamètes sans précédent ». Depuis quelques années déjà, les campagnes menées par l’Agence de la biomédecine[1] banalisent la procréation artificielle. Mais cette fois, le gouvernement précise dans son compte rendu que cette campagne sera « tournée vers les jeunes publics  et relayée sur l’ensemble des réseaux sociaux et nouveaux médias tels qu’Instagram ou Brut ». Il faut rappeler que depuis la loi bioéthique de 2011, les personnes nullipares (qui n’ont jamais procréé) peuvent donner leurs gamètes. Ainsi, pour « prévenir toute pénurie liée aux nouveaux besoins », le gouvernement s’attaque à cette population de jeunes généreux et modelable à l’envie, qui « donnent des gamètes de meilleures qualités », comme l’expliquait Agnès Buzyn.

En même temps que d’être sensibilisés à donner leurs gamètes, il sera proposé à ces jeunes d’en conserver une partie pour leur propre bénéfice s’ils souhaitent procréer plus tard…en laboratoire.

Il s’agit là d’un changement de civilisation, d’un changement de perception de la procréation qui s’accentue. Faire participer les jeunes à cette nouvelle activité de PMA pour satisfaire femmes homosexuelles et femmes seules n’est pas anodin. C’est les faire adhérer à la procréation artificielle plus qu’à la procréation naturelle. C’est faire de la fabrique d’enfants en laboratoire la tendance, le bien. Comme Jacques Testart le dit depuis des années[2] : la sexualité sera ludique, la procréation affaire de laborantins.

[1] https://www.genethique.org/campagne-autour-du-don-de-gametes-lagence-de-biomedecine-persiste-et-signe/

[2] Cf. Faire des enfants demain, la mise en garde d’un pionnier de la PMA, Jacques Testart Edition seuil 2017.

Lucie Pacherie

Lucie Pacherie

Expert

Lucie Pacherie est titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Elle s’est spécialisée en droit de la santé et responsabilité médicale et est juriste de la fondation Jérôme Lejeune depuis 2010. Elle est co-auteur du livre Les sacrifiés de la recherche publié en 2020.

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