« On ne se débarrasse pas du sujet de la mort digne en l’abrégeant d’une injection létale ». Dans une tribune pour le journal La Croix, six médecins de l’Institut Curie [1] interrogent : « Quelles pressions ferait porter un droit à l’euthanasie sur des vies devenues “inutiles” ou difficiles à supporter pour leurs proches ? » « L’inégalité d’accès aux soins palliatifs ne doit pas être un motif pour lancer une discussion sur l’euthanasie », estiment-ils.
Renforcer l’information
Fort de ses nouvelles missions (cf. Fin de vie : Le nouveau mandat du CNSPFV), le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) « entend plus que jamais favoriser l’appropriation des droits par les Français, usagers comme soignants ». En commençant par informer. Car selon un sondage réalisé par le centre, « seulement 12 % des Français ont des notions claires sur la personne de confiance, 17 % sur la sédation profonde et continue et 18 % sur les directives anticipées » (cf. [Entretien E.Hirsch] La mort par sédation ou le reniement de nos devoirs d’humanité; Directives anticipées, un risque à prendre ?).
Mais les moyens manquent. Et les soins palliatifs sont « des soins complexes, pour lesquels la T2A [2] n’est pas toujours pertinente », explique le Dr Sarah Dauchy, présidente du CNSPFV. Selon Katia Roguin, déléguée nationale de la Ligue contre le cancer, « il manque entre les personnes malades et les professionnels, un médiateur, une interface, un traducteur, un coordinateur de parcours, de l’humain ! »
Une demande de « bien-portants »
Car les demandes d’euthanasie sont finalement assez « rares ». En s’appuyant sur une étude, les oncologues de l’Institut Curie indiquent que la demande d’euthanasie « concerne peu de malades » : 3% de 2157 patients hospitalisés en soins palliatifs. Un ordre de grandeur confirmé par leur pratique clinique.
Ces médecins estiment que « la demande d’un “droit à la mort programmée“ » émane « essentiellement » de « bien-portants ». Accompagnée de nombreuses questions. « Le rituel ancestral » de l’accompagnement des mourants « s’efface au risque d’être remplacé par une demande technique à autrui – ici le corps soignant », déplorent-ils. Et « l’évolution de la législation s’est faite vers l’autodétermination dans une vision libérale de l’individu autonome, indépendant de tous, maîtrisant sa vie et la fin de celle-ci ».
Un « droit à mourir » ?
« L’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme garantit le droit à la vie, rappellent les signataires de la tribune. Le droit à mourir n’est pas le versant négatif du droit à la vie. »
Alors que le sujet de l’euthanasie s’est fait une place dans la campagne présidentielle, des associations tentent de faire pression. Ainsi, l’ADMD « regroupe des dizaines de milliers d’adhérents pour appuyer ses actions » (cf. « On va tous mourir » ? Oui. Mais « osons-vivre » !). En 2021, « elle a notamment aidé des députés comme Olivier Falorni à présenter un projet de loi visant à réformer la loi Claeys-Leonetti » (cf. La PPL Falorni tombe en désuétude – le spectacle exagéré des promoteurs de l’euthanasie).
Pour le moment, en France, « l’euthanasie est considérée comme un homicide » (cf. Une dizaine de militants pro-euthanasie interpelés en France).
[1] Docteur Angellier-Lucchi, oncologue, soins palliatifs ; Docteur Bouleuc, oncologue, soins palliatifs ; Docteur Burnod, soins palliatifs ; Docteur Dolbeaut, psychiatre, unité de psycho-oncologie ; Docteur Renault-Tessier, éducation thérapeutique ; Docteur Rollot-Trad, onco-gériatre. Tous sont médecins responsables d’unités du département interdisciplinaire de soins de support pour les patients en oncologie (DISSPO) à l’Institut Curie.
[2] Tarification à l’Activité
Sources : Le Quotidien du Médecin, Coline Garré (06/04/2022) ; La Croix, Collectif (05/04/2022) ; L’Incorrect, Alexandre de Galzain (05/04/2022)