La promotion du suicide et de l’euthanasie en prime time sur le service public

Publié le 12 Oct, 2023

Mercredi, France 2 consacrait sa soirée à la fin de vie. En première partie de soirée, le service public diffusait un téléfilm, Le prochain voyage, mettant en scène Line Renaud, militante de longue date en faveur de l’euthanasie et récemment décorée par le président de la République qui a salué son engagement (cf. Fin de vie : un processus construit pour aboutir à légaliser l’euthanasie ?). Une ode au suicide qui entretient une vision individualiste de la vie. Loin de m’envisager comme membre à part entière de la société, je pourrais gérer ma vie, ma mort, sans me préoccuper des conséquences sur mes proches. Ni sur l’employée de l’hôtel qui devra affronter la vue des deux cadavres qui ont choisi de se donner la mort dans la chambre où ils avaient vécu leur nuit de noces (cf. « La fin de vie n’est pas avant tout un sujet de liberté individuelle mais de solidarité collective »).

La fiction avant le « débat »

Après ce téléfilm qui peut se draper du paravent de la fiction pour faire fi de la prévention du suicide (cf. Euthanasie et prévention du suicide : le paradoxe), un débat a été proposé au téléspectateur. Agnès Firmin Le Bodo, ministre en charge de la loi visant notamment à légaliser l’« aide active à mourir », Jean-Luc Romero, président d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD, cf. Fin de vie : « Emmanuel Macron a choisi la politique des petits pas »), un médecin belge pratiquant l’euthanasie, et le conjoint d’un homme qui s’est fait euthanasier en Belgique, faisaient face à deux médecins de soins palliatifs.

« Le débat n’existe pas », avait affirmé la ministre lors de son récent déplacement à Blois (cf. Fin de vie : Agnès Firmin Le Bodo précise les contours du projet de loi). Le téléspectateur aura pu mesurer la place laissée aux différents points de vue, après, en guise d’introduction, une interview de Line Renaud. Tentant de faire valoir leurs arguments étouffés par la rhétorique émotionnelle, les deux médecins de soins palliatifs ont fait face à quatre militants, auxquels on pourrait joindre le journaliste en charge d’animer le débat. « Il n’y a pas eu de débat. Mais des attaques ciblées », dénonce le Dr Estelle Destrée, l’un des deux médecins de soins palliatifs présents sur le plateau. « L’impression d’avoir participé à une mascarade où la contradiction n’avait pas sa place », résume-t-elle, indiquant être « très inquiète du traitement médiatique de la fin de vie sur les chaines du service public, quand l’entre-soi est de mise ».

Un documentaire partisan

Si jamais le plateau avait pu instaurer quelques doutes dans l’esprit du téléspectateur, c’est un « documentaire », Fin de vie : pour que tu aies le choix, qui a été chargé de le rappeler dans le « droit chemin », en fin de soirée. Alors que de nombreux documentaires sur le sujet ont été produits récemment (cf. Géraud Burin des Roziers enquête au cœur de la fin de vie dans son nouveau documentaire), et que celui-ci avait déjà été diffusé sur France 5, le choix du service public s’est porté sur celui produit par l’une des siens, Marina Carrère d’Encausse, animatrice et médecin échographiste de formation. Elle tient sa légitimité de son expérience personnelle, son compagnon est atteint de la maladie de Charcot. Mais est-elle objective pour autant ?

L’objectivité remisée

Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) et chef de service à Narbonne a accueilli l’équipe du tournage. Cinq personnes pendant deux jours, un « défi » pour un service de cette taille. Claire Fourcade témoigne d’une expérience « compliquée ».

Finalement, les dix minutes de « reportage » dans le service de soins palliatifs se concluent par un verdict : « Une fois encore ce sont les soignants qui décident ». Mais l’équipe de tournage était-elle venue observer ou chercher à appuyer un point de vue militant ?

Promouvoir une pratique illégale en visant la corde sensible du téléspectateur deviendrait-il une pratique coutumière à France télévisions ? (cf. « France 2 nous a présenté un Walt Disney de la GPA ») Alors qu’un projet de loi relatif à la fin de vie est sur le point d’être présenté en Conseil des ministres, le téléspectateur et citoyen ne méritait-il pas une information objective ?

 

Photo : Ron Porter de Pixabay

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