Les stérilisations, masculines comme féminines, sont autorisées en France sur les personnes majeures depuis la loi du 4 juillet 2001. Il existe toutefois peu d’informations sur les hommes ayant recours à la vasectomie [1].
Pour la première fois, des chercheurs de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l’AP-HP ont publié en février une étude réalisée par le groupement EPI-PHARE [2] faisant un état des lieux de la pratique de cette intervention en France, entre 2010 et 2022. L’étude a également eu pour objectif de comparer les taux de stérilisations masculine et féminine [3].
Les chercheurs ont examiné pour cela des renseignements issus du système national des données de santé (SNDS), et en particulier les données d’hospitalisation du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI). Les caractéristiques sociodémographiques et médicales des hommes ont aussi été répertoriées : âge, département de résidence, année de la chirurgie, affiliation à la C2S [4], mode d’hospitalisation et maladies notamment.
L’étude s’est d’abord intéressée aux stérilisations réalisées en France auprès des hommes et des femmes de 18 à 70 ans. Puis, elle a plus spécifiquement porté sur les hommes opérés pour vasectomie. Une sous-cohorte d’hommes opérés entre 2010 et 2021 a été utilisée pour étudier les complications dans l’année post-opératoire, et une seconde sous-cohorte d’hommes, opérés entre 2010 et 2017, a permis l’étude à 5 ans des actes de vasovasostomies [5] et des moyens de préservations de la fertilité après une vasectomie.
3 stérilisations masculines pour 2 stérilisations féminines en 2022
Entre 2010 et 2022, 109 544 vasectomies ont été pratiquées en France chez des hommes de 18 à 70 ans, alors que 398 080 stérilisations féminines ont eu lieu sur cette même période.
Alors qu’elle était marginale, une forte augmentation de cette intervention chez les hommes français a eu lieu. Les vasectomies sont en effet passées de 1 940 en 2010 à 30 288 en 2022, soit une multiplication par quinze (cf. Vasectomie : la nouvelle mode ?). En comparant par rapport à la population INSEE des hommes âgés de 20 à 70 ans, l’incidence de la vasectomie en France est ainsi passée de 9,8 en 2010 à 149,5 vasectomies pour 100 000 hommes en 2022. La fréquence reste toutefois encore faible.
Le nombre de stérilisations féminines, à l’inverse, a lui été divisé par deux, passant de 45 138 stérilisations en 2013 à 20 325 en 2022, après avoir connu une augmentation initiale entre 2010 et 2013. Une conséquence du scandale des implants Essure selon les auteurs de l’étude (cf. Essure : les victimes une nouvelle fois déboutées).
Pour la première fois, un croisement des courbes de stérilisation féminine et masculine a ainsi été observé en 2021, le nombre de stérilisations masculines dépassant les stérilisations féminines. En 2022, 3 stérilisations masculines ont ainsi été pratiquées, pour 2 stérilisations féminines.
Des hommes socialement « favorisés »
Les hommes opérés pour vasectomie étaient en moyenne âgés de 41,7 ans, et la moitié d’entre eux avaient entre 40 et 50 ans. Entre 2010 et 2022, leur âge a peu à peu diminué, passant de 44 ans à 41 ans.
L’âge moyen des hommes ayant recours à la stérilisation est en outre légèrement supérieur à celui des femmes, qui est de 39,9 ans.
Les hommes opérés d’une vasectomie appartenaient par ailleurs aux catégories socioéconomiques « favorisées ». Seuls 3,4 % d’entre eux étaient en effet affiliés à la C2S, alors qu’11,1 % des femmes ayant eu une stérilisation en bénéficiaient. La plupart de ces hommes habitaient également dans les communes les plus favorisées.
En ramenant à la population d’hommes âgés de 20 à 70 ans, la pratique est plus répandue dans l’Ouest de la France : les Pays de la Loire (331,3 pour 100 000 hommes) et la Bretagne (271,5 pour 100 000 hommes) sont les régions dans lesquelles les vasectomies ont été les plus fréquentes. La pratique est en revanche beaucoup moins répandue en Ile-de-France où il y a eu six fois moins d’interventions qu’en Bretagne (58 pour 100 000).
Des complications peu fréquentes
Que ce soit dans les établissements publics ou en privé, les vasectomies ont presque toujours été pratiquées en ambulatoire (98,2 % entre 2010 et 2022 et même 99,2 % en 2022), ce qui la rend plus « facile » et moins « lourde ».
Les complications post-vasectomie sont en outre très rares : 758 cas ont été recensés par l’étude (1% des hommes opérés). Parmi elles, 0,2 % de complications vasculaires (160) ont été observées, 0,4 % d’infections locales (284), 0,2 % de kystes ou hydrocèles ayant nécessité un geste opératoire (139), et enfin, 0,2 % d’« autres » complications.
Dans l’année suivant la vasectomie, 9,4 % des hommes ont eu une utilisation d’antalgiques supérieure à 3 délivrances, et 1 % ont eu des complications nécessitant une nouvelle hospitalisation. Les reprises chirurgicales sont quasi exceptionnelles, 0,9 % des hommes ayant eu un deuxième acte de vasectomie.
Bien que l’intervention semble relativement sûre, elle ne doit pas pour autant être prise à la légère.
Conserver la possibilité de procréer ?
Même s’il est parfois possible de revenir sur les effets de la vasectomie, il ne faut pas oublier qu’elle reste un moyen de stérilisation, et non un moyen de contraception (cf. Infertilité masculine : un nouveau sujet de préoccupation).
Dans le cadre d’une possible assistance médicale à la procréation (AMP) future, 6,8 % des hommes ont effectué un acte de cryoconservation avant la vasectomie. Ce chiffre est en augmentation constante de 2010 à 2022, passant de 3,6 % en 2010 à 7,9 % en 2022 (cf. Royaume-Uni : une fois 10 familles créées, le sperme part à l’étranger).
Un pourcentage plus faible d’hommes a par ailleurs sollicité un prélèvement de sperme post-vasectomie (cf. Conservation de gamètes par les établissements privés : les industriels de la procréation gagnent un round contre l’avis du gouvernement). Ainsi, 125 hommes sur 109 944 ont demandé un prélèvement en vue d’une potentielle AMP, soit une incidence de 0,34 pour 1 000 personnes-années. Un spermogramme post-opératoire a été réalisé chez 64,7 % des hommes à la suite de l’intervention, afin de vérifier si elle a fonctionné. Ce taux est lui aussi en constante augmentation. En moyenne, le spermogramme est réalisé 117,4 jours après la vasectomie, soit près de 4 mois après.
207 hommes ayant subi une vasectomie entre 2010 et 2022 ont ensuite demandé une vasovasostomie [6], soit une incidence de réversion de 0,56 pour 1 000 personnes-années.
A la différence d’autres pays, comme les Etats-Unis, la vasectomie n’est pas entrée dans les mœurs en France, même si elle se développe. Des études complémentaires seront nécessaires pour mieux comprendre les choses.
Entre la constitutionnalisation de l’IVG (cf. IVG dans la Constitution : la « liberté » des femmes au détriment de la liberté de conscience ?) et l’augmentation de la vasectomie, la natalité serait-elle durablement menacée en France ? (cf. Contre l’infertilité et une natalité en berne, un « réarmement démographique » ?)
[1] La vasectomie est une intervention chirurgicale consistant en la section et l’occlusion des canaux déférents, ce qui empêche les spermatozoïdes de rejoindre l’urètre et, par conséquent, d’être éjaculés
[2] Évolution de la pratique de la vasectomie en France, à partir des données du Système national des données de santé (SNDS), Doi : 10.1016/j.jeph.2024.202341
[3] Stérilisation tubaire par ligature des trompes de 2010 à 2022, ou pose d’implants intra tubaire avant 2017
[4] Complémentaire santé solidaire, anciennement couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C)
[5] ré-anastomose des canaux déférents visant à inverser les effets de la vasectomie
[6] ré-anastomose des canaux déférents