Conservation de gamètes par les établissements privés : les industriels de la procréation gagnent un round contre l’avis du gouvernement

Publié le 12 Sep, 2019

C’est dans la nuit de mercredi à jeudi qu’en quelques secondes, les industriels de la procréation, représentés par les députés Isaac Sibille (mouvement démocrate apparentés), et Emmanuelle Fontaine-Domeizel ont obtenu, contre l’avis du gouvernement, que les établissements privés soient autorisés à procéder au prélèvement, au recueil, et à la conservation des gamètes.

 

Un coup de force bien orchestré

 

En effet, le projet de loi (article 2 alinéa 10) cantonnait les activités de prélèvement, de recueil, et de conservation des gamètes aux seuls « établissements publics de santé ou les établissements de santé à but non lucratif habilités à assurer le service public hospitalier ».

 

L’exclusion des établissements privés de ces activités, dont le nombre va d’ailleurs augmenter avec l’autoconservation ovocytaire rendue possible par le texte (article 2 alinéa 8), avait déjà fait grincer les professionnels de l’AMP lors de leur audition par la commission spéciale bioéthique (cf : A l’assemblée nationale, les professionnels de l’industrie procréatique enfoncent le clou). Ils avaient alors demandé avec insistance que les établissements privés puissent aussi proposer ce type de services lucratifs.

 

Le sujet a donc ressurgi en commission spéciale à une heure et demie du matin par l’examen de deux amendements présentés par Monsieur Martin et quelques collègues (LREM) (n°1935) et Messieurs Fuchs, Hammouche et Berta du Mouvement démocrate et apparenté, rapporteur du texte (n°1560). Officiellement, il s’agit de mettre fin à une « forme de monopole des CECOS » en la matière, explique Monsieur Hammouche, de répondre « au plus près à la demande » des couples ainsi qu’ « à l’engorgement des établissements publics avec l’ouverture de l’AMP à de nouveau public ». Le député Olivier Véran (LREM) a estimé : « On a besoin que l’ensemble de la filière soit capable de répondre à la demande ». Ce à quoi les députés Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine), Xavier Breton et Patrick Hetzel (LR) ont répliqué : « Il y a des intérêts économiques et financiers très présents. Il faut refuser ce marché de la procréation », explique Xavier Breton.

 

Le rapporteur Jean-Louis Touraine a émis un avis favorable à cette ouverture. Mais la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s’est positionnée contre, donnant les raisons qui conduisent le gouvernement à s’opposer à l’ouverture de ces activités aux établissements privés : « le gouvernement ne souhaite pas inciter les femmes de façon massive ». On comprend bien en effet que l’offre créera la demande.

 

Le débat a été vif et les amendements finalement rejetés. Mais, coup de théâtre, les deux amendements examinés ensuite, proposaient exactement la même chose. Présentés par Isaac Sibille  (mouvement démocrates apparentés) (n°1675) et Mme Pitollat (LREM) (n°1727), et à peine défendus, les députés de la commission adoptent ces deux amendements.

Alors que le débat s’était suspendu sur l’avis défavorable de la ministre Mme Buzyn et le vote de rejet par la commission, ces deux derniers amendements sont adoptés et font entrer les établissements privés dans toutes les activités d’AMP y compris pour le recueil, le prélèvement et le don.

 

Ce coup de force des députés, contre l’avis du gouvernement peut inquiéter. Assistera-t-on à la même scène lorsque le diagnostic préimplantatoire (DPI) sera abordé (article 19 alinéa 16) ? On sait bien combien les industriels de la procréation souhaitent l’étendre à la trisomie 21. L’offensive sur les centres privés laissent penser que les députés Isaac Sibille, Berta, Hammouche, etc. sont proches de médecins biologistes de la reproduction. Il est à craindre qu’ils agissent de la même façon pour l’extension du DPI. 

 

Et même si le discours du gouvernement sur la question était clair et rejetait cette forme d’eugénisme (cf. Audition des ministres sur le projet de loi bioéthique : un ton apaisé, des dérives éthiques majeures), il n’est pas assuré que la majorité parlementaire le suive.

 

Les articles 1 et 2 adoptés

 

Après ce coup de théâtre, c’est donc sans surprise que la fin de l’article 1 et l’article 2 ont été adoptés à 1h45 actant ainsi les mesures suivantes :

  • le remboursement de la sécurité sociale de la PMA sans père (article 1 alinéas 39 à 43),
  • la suppression du consentement obligatoire du conjoint au don de gamètes (Article 2 alinéa 4),
  • la publication d’un rapport en 2025 sur l’évolution des dons, des coûts, de la prise en charge de la PMA, (n°1979)
  • l’autoconservation des gamètes pour tous (Article 2 alinéa 8),
  • la confirmation du don des personnes nullipares (n’ayant jamais procréé), autorisé en 2011 (article 2 alinéa 8)
  • l’interdiction d’importer des gamètes en France (n°2025),
  • l’interdiction de prendre en charge ou de compenser de quelque moyen que ce soit l’autoconservation des ovocytes de ses salariées (n°984).

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