Dans un entretien accordé au Figaro le 9 décembre, Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, a précisé le calendrier et le contenu du projet de loi sur la fin de vie.
« Desserrer le calendrier »
Alors que certains interprètent le report du projet de loi comme un « signe d’hésitation » face à ce « projet sociétal » qui serait devenu « fardeau politique »(cf. Fin de vie : Agnès Firmin Le Bodo précise les contours du projet de loi), la ministre affirme que « la volonté exprimée par le président de la République sera tenue » (cf. Présidentielles : Emmanuel Macron favorable à l’euthanasie).
Comme prévu, un avant-projet de loi a été remis au président de la République à la fin de l’été. Sur la base de ce texte, il a fallu « approfondir la stratégie des soins d’accompagnement, plus encore que nous ne l’avions imaginé, ce qui a conduit à desserrer le calendrier » explique Agnès Firmin Le Bodo. « Sur un sujet aussi complexe, il faut prendre le temps nécessaire, peser les mots » ajoute-t-elle.
Aurélien Rousseau, ministre de la Santé, laisse, lui, entendre que le texte pourrait être modifié. « Sur ce sujet, il faut qu’on y aille quand on est absolument sûrs de tout ce qu’on a écrit » précise-t-il.
Un projet de loi en février
Selon Agnès Firmin Le Bodo, l’annonce de la stratégie décennale sur les soins palliatifs aura lieu en janvier (cf. Plan décennal sur les soins palliatifs : un nouveau cadre ?), mais certaines mesures seront intégrées dans le projet de loi sur la fin de vie qui sera, lui, présenté courant février. La date de son examen à l’Assemblée nationale n’est en revanche pas arrêtée. Certains ministres souhaiteraient un report après les élections européennes du 9 juin 2024, craignant que les débats ne soient particulièrement tendus.
De leur côté, certains conventionnels commencent à s’impatienter. Le 9 décembre, l’association Les 184 [1] (cf. Fin de vie : une convention mais deux associations) a adressé une « lettre ouverte » au président de la République lui demandant de tenir les « deux engagements » qu’il leur avait exprimés après le dépôt de leur rapport (cf. Fin de vie : La Convention citoyenne rend sa copie) : un projet de loi sur « l’aide active à mourir » et « un plan décennal pour les soins palliatifs ». « Monsieur le Président, votre avis sur les soins palliatifs et l’aide active à mourir est important mais ne saurait être l’unique boussole en la matière » insistent-ils.
« Du renforcement des soins palliatifs jusqu’à l’aide active à mourir »
Confirmant qu’il n’y aura qu’un seul texte de loi (cf. « Aide active à mourir » et soins palliatifs doivent être dissociés exhortent des députés), la ministre indique que « le nouveau modèle français de la fin de vie est un ensemble, qui va du renforcement des soins palliatifs jusqu’à l’aide active à mourir pour ceux qui le souhaitent, sous certaines conditions d’éligibilité qui ont été fixées par le président de la République ». « Faire deux textes, cela n’aurait pas de sens » considère Agnès Firmin Le Bodo.
Selon elle, l’« aide active à mourir » ne peut être envisagée « sans penser la fin de vie dans sa globalité ». « La prise en charge palliative en fait évidemment partie » prétend-elle. Ainsi, « l’accompagnement doit pouvoir se faire jusqu’à la mort quand c’est la volonté libre et éclairée des patients et que l’on n’arrive plus à soulager la douleur ».
« En France, les soins palliatifs sont nés d’un refus des pratiques euthanasiques dans les années 1980 » rappelle, quant à elle, Claire Fourcade, présidente de la Société Française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) (cf. Fin de vie : « ne dévoyons pas les soins palliatifs »). « Placer la mort provoquée en continuité des soins palliatifs est donc une inquiétude majeure pour nous » alerte-t-elle (cf. 800.000 soignants s’opposent à l’euthanasie).
Les rencontres se poursuivent
« Dans ce débat, il ne faut heurter personne » souligne Agnès Firmin Le Bodo. Ce lundi, elle doit rencontrer les rédacteurs du rapport Chauvin sur les soins palliatifs, déposé le 8 décembre, puis jeudi 14 décembre le comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie. La semaine prochaine, ce sera au tour du groupe parlementaire sur la fin de vie, puis des soignants (cf. Fin de vie : un « dialogue de sourds » entre les soignants et le gouvernement).
[1] L’association Les 184 réunit des anciens participants de convention citoyenne sur la fin de vie
Sources : Le Figaro, Agnès Leclair (09/12/2023), Le Monde, Béatrice Jérôme (09/12/2023) ; La Croix, Nicolas Sénèze (10/12/2023) – Photo : Pixabay