Le 5 septembre, la société Beam Therapeutics, établie à Cambridge, dans le Massachusetts, a annoncé le lancement d’un essai clinique pour un traitement contre les tumeurs, mettant en œuvre l’édition de base (cf. ABE : un « éditeur de base » qui vient compléter l’outil CRISPR). Un premier patient a été traité à l’aide de cellules immunitaires dotées de quatre gènes modifiés par édition de base, « permettant ainsi aux cellules de mieux cibler et détruire les tumeurs ». Les chercheurs espèrent ainsi s’attaquer à une forme de leucémie difficile à traiter [1].
Un traitement plus sûr ?
L’attrait de la technique d’édition de base réside dans « sa spécificité et sa sécurité potentielle ». Avec CRISPR, « les chercheurs ne peuvent pas contrôler exactement la manière dont la cellule répare son ADN, ni prédire la séquence d’ADN qui en résultera » (cf. Acheminer CRISPR/Cas 9 sans vecteur viral ?). En revanche, l’édition de base permet « un meilleur contrôle sur la séquence éditée » et réduit la mort cellulaire résultant d’un ADN endommagé. Cela a également ouvert la porte à la réalisation d’éditions multiples au sein d’une même cellule.
L’approche de Beam Therapeutics est similaire à celle d’un essai clinique britannique qui a traité un premier participant en 2022 (cf. Edition de base : une adolescente traitée avec succès). L’idée est d’améliorer la thérapie cellulaire CAR-T, en modifiant quatre sites dans le génome des cellules[2]. Ces modifications poursuivent quatre objectifs. La premier est de réduire le risque que le système immunitaire du receveur rejette les cellules du donneur. Il s’agit également d’empêcher les cellules CAR T de se détruire les unes les autres, et de permettre aux cellules de survivre lorsque les patients sont traités avec un médicament anticancéreux capable de tuer les cellules T. Enfin, dans le cadre du présent essai, la quatrième modification est destinée à prolonger la durée d’activité des cellules conçues.
De nouveaux risques mis à jour
L’édition de bases n’est toutefois pas la panacée. En effet, une étude récente[3] a révélé que l’édition de bases peut provoquer des cassures double brin de l’ADN, bien que cela se produise « beaucoup moins souvent » qu’avec CRISPR-Cas9. L’étude a également identifié « d’autres modifications indésirables » de l’ADN qui ne sont pas provoquées par CRISPR-Cas9.
Une autre société de biotechnologie, Verve, mène de son côté un essai clinique d’édition de base effectuée « directement dans le corps » en utilisant des nanoparticules lipidiques pour acheminer les composants (cf. CRISPR : un essai clinique contre l’hypercholestérolémie; Essai CRISPR : la FDA s’interroge sur de possibles transmissions à la descendance).
Complément du 21/09/2023 : Une équipe des universités de Genève (UNIGE), de Lausanne (UNIL), des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), sous l’égide du Swiss Cancer Center Léman (SCCL), a découvert comment prolonger la fonctionnalité des cellules CAR-T. En inhibant un « mécanisme métabolique très particulier »[4], elle a créé des cellules CAR-T dotées d’une « mémoire immunitaire renforcée », « capables de lutter contre les cellules tumorales beaucoup plus longtemps ».
Ils ont publié leurs travaux dans la revue Nature [5].
[1] Le lymphome/ ou leucémie à cellules T
[2] L’essai britannique n’en modifie que trois.
[3] Fiumara, M., Ferrari, S., Omer-Javed, A. et al. Genotoxic effects of base and prime editing in human hematopoietic stem cells. Nat Biotechnol (2023). https://doi.org/10.1038/s41587-023-01915-4
[4] « En manque d’oxygène, les cellules cancéreuses ont recours à un mécanisme de survie très particulier : elles métabolisent de la glutamine, un acide aminé, comme source alternative d’énergie grâce à une réaction chimique nommée «carboxylation réductrice» ». « Or, les cellules immunitaires et les cellules cancéreuses ont un métabolisme assez semblable qui leur permet notamment de proliférer très rapidement, explique Alison Jaccard, doctorante au Département d’oncologie UNIL-CHUV. Nous avons découvert que les lymphocytes T utilisent aussi ce mécanisme. »
[5] Mathias Wenes, Reductive carboxylation epigenetically instructs T cell differentiation, Nature (2023). DOI: 10.1038/s41586-023-06546-y.
Sources : Nature, Heidi Ladford (18/09/2023) ; Medical Xpress, University of Geneva (20/09/2023) ; Université de Genève, CP (20/09/2023) – Photo : iStock