Décès au cours d’un essai de thérapie CRISPR : des questions, peu de réponses

Publié le 8 Nov, 2022

Un patient atteint de la dystrophie musculaire de Duchenne [1] est décédé alors qu’il participait à un essai clinique. La thérapie génique en question consistait à injecter l’outil d’édition génétique CRISPR, directement dans le corps du patient, à l’aide d’un virus, afin d’augmenter l’activité d’un gène.

Terry Horgan, un jeune homme de 27 ans, est décédé le mois dernier, a précisé Cure Rare Disease, une association à but non lucratif basée dans le Connecticut et fondée par son frère, Rich, pour tenter de le soigner. Un décès qui soulève des questions sur les perspectives générales de ces thérapies, bien que l’on n’en connaisse pas pour le moment les circonstances précises[2].

Une remise en question des thérapies géniques ?

Des problèmes se sont déjà posés dans des essais de thérapie génique. A la fin de l’année dernière, Pfizer a signalé le décès d’un patient dans le cadre d’un essai préliminaire portant sur une autre thérapie génique de la dystrophie musculaire de Duchenne (cf. Thérapie génique : la FDA suspend un essai suite à un décès).

Pour Arthur Caplan, éthicien médical à l’université de New York, « cette idée que nous pouvons concevoir des thérapies géniques est incertaine ». « Nous savons que CRISPR peut manquer sa cible. Nous savons que CRISPR peut être efficace partiellement. Et nous savons également qu’il peut y avoir des problèmes avec … les vecteurs viraux » qui délivrent la thérapie dans le corps, rappelle-t-il.

D’autres essais de thérapie génique – comme ceux visant les maladies du sang que sont la drépanocytose et la bêta-thalassémie – impliquent le prélèvement de cellules souches dans le sang d’une personne, l’utilisation de CRISPR en laboratoire, puis la réinjection des cellules modifiées dans le corps de la personne (cf. Maladies du sang : 75 patients traités avec CRISPR depuis 3 ans). La première fois que CRISPR a été utilisé pour modifier des gènes dans l’organisme, c’était pour traiter une mutation causant la cécité (cf. CRISPR : premier essai in vivo aux Etats-Unis).

Complément du 01/06/2023 : Terry Horgan est « probablement » décédé après avoir fait une réaction au virus [3] utilisé pour introduire la thérapie dans son corps, ont conclu des chercheurs dans une première étude. Certains scientifiques s’étaient demandé si l’outil d’édition de gènes CRISPR n’avait pas joué un rôle dans son décès.

Dans une déclaration, Rich Horgan, le frère de Terry, a remercié l’équipe dirigée par l’école de médecine Chan de l’université du Massachusetts et l’université de Yale pour une enquête « approfondie et complète » qui a permis d’obtenir des « informations précieuses ».

Ce n’est pas la première fois que des vecteurs viraux sont impliqués dans le décès d’un essai de thérapie génique. En 1999, Jesse Gelsinger, 18 ans, est décédé au cours d’une étude. Le virus utilisé dans l’essai de Horgan est considéré comme « plus sûr », mais il n’est pas sans poser de problèmes.

« On a essayé de fabriquer des vecteurs plus sûrs, mais cela reste un défi », indique Arthur Caplan, éthicien médical à l’université de New York, et n’ayant pas participé à l’étude (cf. Acheminer CRISPR/Cas 9 sans vecteur viral ?).

Rich Horgan a indiqué qu’il prévoyait de soumettre l’étude à une revue à comité de lecture. En attendant, Cure Rare Disease a déclaré qu’elle utiliserait d’autres virus pour les autres traitements qu’elle tente de mettre au point.

Complément du 28/09/2023 : Les résultats d’une enquête détaillée publiés mercredi corroborent les premières analyses. Terry Horgan est « probablement mort » d’un « effet indésirable non documenté » du virus utilisé pour acheminer l’éditeur CRISPR vers ses cellules.

 

[1] Cette maladie génétique rare est causée par une mutation du gène nécessaire à la production d’une protéine appelée dystrophine. La plupart des personnes atteintes de la maladie de Duchenne meurent de problèmes pulmonaires ou cardiaques.

[2] Scott Bauman, porte-parole de Cure Rare Disease, a indiqué qu’un dossier avait été déposé auprès de la FDA, mais qu’il faudrait 3 à 4 mois pour aboutir à une conclusion.

[3] vecteur viral adéno-associé

Sources : Medical Xpress, Laura Ungar (04/11/2022) ; Associated Press (31/05/2023) ; Stat news, Jason Mast (27/09/2023)

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