Deuil périnatal : « je ne peux pas faire comme s’il n’était pas là »

Publié le 17 Oct, 2023

Le 28 octobre 2022, suite à une interruption médicale de grossesse (IMG), Virginie, une aide-soignante de 34 ans, a perdu son fils Hugo à six mois de grossesse. Le chemin du deuil est difficile.

Une proposition : l’IMG

C’est au cours de la première échographie que Virginie, accompagnée de sa fille de 7 ans, de son compagnon et de l’enfant de ce dernier âgé de 4 ans, apprend que la vessie du bébé est très grosse. Elle se rend donc au CHU de Dijon afin de subir des examens complémentaires. Après l’amniocentèse, il faut attendre plusieurs semaines pour obtenir le résultat. Là, « mon monde s’est écroulé » témoigne Virginie. Le médecin lui propose implicitement une IMG. « Je ne vous dis pas de le faire, mais effectivement, si la demande est faite, elle sera acceptée » lui explique-t-il.

Incapable de se décider en quelques minutes, le couple obtient un délai de réflexion d’une semaine. « On réfléchit, on réfléchit… un jour, on garde, un jour, on arrête. En fait, on ne sait pas vraiment, et on voit le temps passer » témoigne-t-elle.

En effectuant des recherches sur internet, Virginie découvre qu’une opération est possible. « Pourquoi on ne m’en a pas parlé ? » s’interroge-t-elle. « On m’a répondu “ça ne sera pas chez nous, ça sera à Necker” ». Accroché à cette lueur d’espoir, le couple se rend à Paris où on leur apprend que leur « bébé allait arriver à terme sans problème, parce que dans le ventre ça allait, mais qu’à la naissance, ça serait compliqué ». Les reins d’Hugo ne fonctionnant pas, « il aurait fallu le greffer, mais pour ça il faut attendre qu’il fasse un certain poids, et les greffes de reins, c’est tous les 10 ans » énumère-t-elle.

Signer « l’arrêt de mort » de son enfant

Face à ce processus qui leur semble « très, très compliqué », ils demandent au personnel soignant une IMG. « Je me revois signer, en me disant, “tu signes l’arrêt de mort de ton enfant'” », se souvient Virginie

Le jour de l’IMG, le 28 octobre 2022, « je suis arrivée sur le parking, je pleurais, parce que je savais qu’on arrivait à trois mais qu’on repartirait à deux » rapporte-t-elle.

Dans un état second, Virginie prend les produits qui doivent arrêter le cœur du bébé. « On nous dit, “ça y est, c’est fait”. Et là, on sait qu’on porte la mort » se remémore Virginie. Elle accouche sous morphine et « complètement droguée ». « On m’a volé mon accouchement, je ne me souviens plus de rien » regrette-t-elle. Après la naissance, Hugo est emmené, pour « faire des radios ». Quelques minutes plus tard, « la porte s’est ouverte, le bébé est arrivé, on l’a posé dans un berceau » se souvient-elle. « A la fois, j’étais tellement heureuse de le voir, et tellement triste de le voir sans vie » explique-t-elle. Hugo a été enterré quelques jours après, « à côté de chez nous, au cimetière ».

Alors que le premier anniversaire d’Hugo approche, Virginie aimerait marquer cette date : « Je ne peux pas faire comme s’il n’était pas là », mais « j’appréhende énormément les un an, parce que tout le monde a oublié, sauf nous » ajoute-t-elle. « Les gens étaient là, au début, mais pour les parents, c’est un combat de tous les jours, je pense jusqu’à la fin de notre vie » (cf. Grossesses interrompues : le tabou des conséquences psychologiques).

Faire face à la société

Elle redoute les instants de vie courante. Quand on lui demande combien d’enfants elle a, Virginie répond « deux ». « On me demande quel âge ils ont, je dis,” Léa a 7 ans et Hugo est décédé” » ajoute-t-elle.

Grâce aux progrès de la médecine, le deuil périnatal est moins fréquent. « Par conséquent, la société a perdu les rituels qui l’accompagnaient et a invisibilisé ces pertes » explique la pédopsychiatre Bérengère Beaquier-Maccotta. En plus de cela, penser la mort n’est pas simple dans nos sociétés contemporaines. « C’est pour cette raison qu’on évite d’y penser collectivement » constate-t-elle. « Aujourd’hui, le plus difficile pour les femmes et les couples qui traversent cette épreuve reste le retour dans la sphère sociale » ajoute-t-elle.

En 2019, en France, le taux de mortalité périnatale [1] représentait 10,2 naissances pour 1 000. Chaque année un peu plus de 6 000 enfants naissent sans vie, et près de 1 400 décèdent au cours de leur première semaine de vie.

Afin d’accompagner les familles, plusieurs mesures ont été mises en place (cf. Une journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal). Depuis 2008, les enfants nés sans vie peuvent être déclarés à l’état civil, indépendamment du terme et de la viabilité, et, depuis 2021, il est possible de leur donner un nom de famille (cf. Le Parlement vote la possibilité de donner un nom de famille aux enfants nés sans vie).

 

[1] soit le nombre d’enfants nés sans vie, par mort fœtale spontanée in utero, interruption médicale de grossesse (IMG) ou morts au cours des sept premiers jours de vie, rapporté à l’ensemble des naissances à partir de vingt-deux semaines de grossesse

Sources : France 3, Johanna Albrecht (14/10/2023) ; Le Monde, Marie Pouzadoux (14/10/2023) – Photo : iStock

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