Contraception : des progestatifs courants augmentent le risque de tumeur cérébrale

Publié le 28 Mar, 2024

Selon une étude de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la prise de certaines hormones contraceptives « courantes », pendant un an ou plus, est associée à un risque accru de développer une tumeur cérébrale. Les chercheurs ont publié leurs travaux dans The British Medical Journal [1].

Cette étude est la première à associer l’utilisation prolongée de certains progestatifs à une hausse du risque de tumeur cérébrale, le méningiome intracrânien, qui représente 40 % des tumeurs primaires du système nerveux central. Bien que « bénigne » selon les scientifiques, cette tumeur, qui se développe à partir des membranes qui entourent le cerveau et la moelle épinière, peut nécessiter une ablation chirurgicale.

Une augmentation des risques dès un an de prise

Les chercheurs de l’ANSM ont examiné les données de 108 366 femmes, dont 18 061 ont subi une opération du cerveau pour retirer un méningiome intracrânien entre 2009 et 2018, à partir du Système national des données de santé (SNDS) (cf. Données de santé : la CNIL offre l’accès aux acteurs privés).

Ils ont ainsi pu constater que l’utilisation prolongée, c’est-à-dire pendant un an ou plus, d’une injection de 150 mg d’acétate de médroxyprogestérone (Depo-Provera) était associée à un risque 5,6 fois plus élevé de méningiome intracrânien nécessitant une intervention chirurgicale. L’utilisation prolongée de 5 mg de médrogestone par voie orale (Colprone) a quant à elle été associée à un risque multiplié par 4,1, et celle de 0,125 mg/0,5 mg de promégestone par voie orale (Surgestone) à un risque multiplié par 2,7.

D’après leurs travaux, il ne semble toutefois pas y avoir de risque si ces progestatifs sont utilisés pendant moins d’un an. Les chercheurs n’ont pas constaté non plus de « risque accru observable » pour la progestérone (Prometrium, Utrogestan, Endometrin), la dydrogestérone (Femoston) ou les dispositifs intra-utérins (DIU) à libération de lévonorgestrel, quelle que soit la dose qu’ils contiennent.

Des millions de femmes concernées

Les femmes prenant de l’acétate de chlormadinone (Belara, Gynorelle, Lutéran, Prostal), de l’acétate de nomégestrol (Lutenyl, Naemis, Zoely) et de l’acétate de cyprotérone présentaient un « risque excessif », « ce qui n’est pas surprenant étant donné que ces produits sont connus pour augmenter le risque de méningiome », indiquent les chercheurs. Ils n’ont pas pu conclure sur les conséquences de la prise de diénogest (Lafamme, Natazia, Qlaira) ou d’hydroxyprogestérone (Delalutin, Proluton, Makena) « en raison du petit nombre de femmes recevant ces médicaments ».

« Il s’agit d’une étude d’observation, qui ne permet donc pas d’établir un lien de cause à effet », précisent les chercheurs. A partir de la base de données, ils n’ont pas pu tenir compte d’une éventuelle prédisposition génétique au méningiome ou d’une exposition à des rayonnements à haute dose.

Néanmoins, l’acétate de médroxyprogestérone étant utilisé par 74 millions de femmes à travers le monde comme moyen contraceptif, « le nombre de méningiomes attribuables à ce médicament pourrait être élevé ».

Un appel à la prudence

« Cette information accélérera le passage des médicaments hormonaux oraux aux dispositifs intra-utérins », estime Susan Evans (cf. Contraception : le DIU aurait des effets bien au-delà de l’utérus). Aux Etats-Unis, l’utilisation des DIU est passée de 2 % à 14 % des moyens de contraception employés, tandis que les contraceptifs oraux ont chuté de 31 % à 22 % au cours de la période 1995-2017 (cf. La contraception très largement répandue chez les Américaines).

Les chercheurs précisent par ailleurs que cette étude n’a pris en compte que les doses de 150 mg d’acétate de médroxyprogestérone, un produit rarement utilisé en France. Ainsi, « il est urgent de mener d’autres études dans d’autres pays qui l’utilisent plus largement afin d’évaluer le risque de méningiome associé et de mieux comprendre l’association dose-réponse » (cf. Contraception : un impact sur l’anatomie du cerveau ?).

 

[1] N. Roland et al., Use of progestogens and the risk of intracranial meningioma: national case-control study, BMJ 2024;384:e078078, doi: https://doi.org/10.1136/bmj-2023-078078 (Published 27 March 2024)

Source : New Atlas, Paul McClure (27/03/2024)

Partager cet article

Synthèses de presse

Carmat : un « risque de dysfonctionnement » des cœurs artificiels
/ Don d'organes

Carmat : un « risque de dysfonctionnement » des cœurs artificiels

La société Carmat indique avoir identifié « chez certains patients », un « risque de dysfonctionnement » de sa prothèse ...
Canada : plus de 15 000 euthanasies en 2023, un chiffre encore en augmentation
/ Fin de vie

Canada : plus de 15 000 euthanasies en 2023, un chiffre encore en augmentation

En 2023, 15 343 personnes sont décédées suite à une « aide médicale à mourir » au Canada, ce qui ...
HAS : vers un « service public de la transition de genre » ?
/ Genre

HAS : vers un « service public de la transition de genre » ?

La HAS est actuellement en train de finaliser ses recommandations en termes de prise en charge des personnes se déclarant ...

 

Textes officiels

 

Fiches Pratiques

Bibliographie

Lettres

Recevez notre lettre hebdomadaire

Recevez notre lettre hebdomadaire

Chaque semaine notre décryptage de l'actualité bioéthique et revue de presse.

Votre inscription a bien été prise en compte.