CEDH : le refus d’accès aux origines ne viole pas la Convention

Publié le 7 Sep, 2023

Dans un arrêt de chambre du 7 septembre 2023 sur l’affaire Gauvin-Fournis et Silliau c. France, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a expliqué que « le refus de divulguer aux requérants nés d’une AMP des données relatives aux donneurs de gamètes ne méconnaît pas l’article 8 de la Convention » sur le droit à la vie privée et familiale (cf. PMA avec tiers donneur : deux QPC sur les nouvelles dispositions).

Deux requêtes similaires

Deux requêtes similaires ont été examinées par la CEDH. La première concerne Mme Gauvin-Fournis qui, à 29 ans, apprend qu’elle est née d’une procréation médicalement assistée (PMA) avec don de sperme. Elle saisit le CECOS de Bondy pour obtenir des informations sur ses origines et pour savoir si son frère est issu du même donneur qu’elle. A la suite d’un « refus implicite », elle se tourne vers la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui lui donne un avis défavorable. Elle saisit alors le tribunal administratif de Montreuil qui rejette sa demande le 14 juin 2012. La Cour administrative d’appel (CAA) de Versailles confirme le jugement le 2 juillet 2013 ainsi que le Conseil d’Etat le 12 novembre 2015.

De son côté, M. Silliau a lui aussi appris qu’il est né d’une PMA avec don de sperme. Après une procédure similaire à celle menée par Mme Gauvin-Fournis, il fait face, lui aussi, au refus de la CAA de Versailles puis à celui du Conseil d’Etat.

Une violation de l’article 8 de la Convention ? 

Deux requêtes sont introduites devant la CEDH le 15 avril 2016 et le 23 juin 2017. Ils soutiennent que leur droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par l’article 8 de la Convention, a été violé en raison de « l’impossibilité d’obtenir des informations sur leur géniteur respectif » (cf. 50% des enfants issus de PMA avec tiers-donneurs seraient mal dans leur peau). Ils invoquent également l’article 14 qui interdit la discrimination. Selon eux, « ils subissent, du fait du mode de leur conception, une discrimination dans leur droit au respect de leur vie privée par rapport aux autres enfants, en raison de l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent d’obtenir des informations non identifiantes sur le tiers donneur, en particulier, des informations médicales ».

Mais, la Cour relève que « la situation dénoncée par la requérante et le requérant découle des choix du législateur dont elle ne peut que constater qu’ils résultent de débats extrêmement approfondis et dont la qualité ne peut être mise en doute ». Faisant allusion au nouveau dispositif d’accès aux origines qui est entré en vigueur depuis le 1er septembre 2022, la Cour explique que cette « tendance récente » ne reflète pas l’existence d’un « consensus clair sur la question de l’accès aux origines » (cf. PMA : La France lève partiellement l’anonymat des donneurs).

Par ailleurs, la Cour rappelle que l’ancienne législation prévoyait deux exceptions à l’anonymat du donneur en cas de nécessité thérapeutique et lorsqu’était diagnostiquée une anomalie génétique grave chez le donneur. Elle « considère que la France a maintenu un juste équilibre entre les intérêts concurrents en présence en ce qui concerne les informations médicales non identifiantes ».

Enfin, la CEDH relève que depuis le 1er septembre 2022, les personnes nées d’une PMA avec donneur avant cette date ont la possibilité de saisir la CAPADD [1] pour rechercher l’éventuel consentement du donneur à la communication de son identité et à d’autres informations non identifiantes. Une garantie accordée aux deux requérants (cf. Accès aux origines : les gamètes « ancien régime » prolongés jusqu’en 2025).

Une opinion dissidente

Une opinion dissidente a cependant été émise par les juges Ravarani, Mourou-Vikström et Gnatovskyy. Ils concluent que l’article 8 de la Convention a été violé car « le droit a évolué trop tard », empêchant notamment la requérante de connaître ses origines suite au décès de son père biologique. « Les années de secret garanti par la loi l’ont privée d’une partie fondamentale de son identité qu’aucune intervention législative postérieure ne pourra compenser » expliquent-ils (cf. Les enfants nés par PMA confrontés à l’anonymat des donneurs témoignent).

Ils constatent également que « les requérants, en dépit de leurs différences de situation évidentes, partagent un destin commun, celui de vivre avec un questionnement et la cruauté du mystère de leur origines, et d’avoir été soumis pendant des années à une loi qui, quoique révisée, demeurait immuable sur les principes, et ce alors que les souffrances des enfants nés de dons de gamètes étaient de plus en plus connues et qu’une tendance européenne ouvrant une porte vers la connaissance de ses origines se dessinait ».

 

[1] Commission d’Accès des Personnes nées d’une Assistance Médicale à la Procréation (AMP) aux Données des tiers Donneurs

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