Banques de gamètes : la loi de bioéthique a “chamboulé les équilibres”

Publié le 26 Mai, 2023

Depuis la loi de bioéthique d’août 2021, la gestion des banques de gamètes est devenue un casse-tête. L’Agence de la biomédecine (ABM) cherche la « bonne date » pour passer de l’ancien stock de gamètes liés à des dons anonymes au « nouveau stock », tout en faisant face aux demandes de procréation médicalement assistée (PMA) avec dons de spermatozoïdes.

Le stock de paillettes [1]« était relativement stable jusqu’à ce que la loi de bioéthique d’août 2021 vienne chambouler les équilibres » indique le professeur Thomas Fréour, responsable du centre de PMA du CHU de Nantes. Une situation qui résulte des effets conjugués de deux changements issus de la nouvelle loi.

De nouveaux droits

En 2021, l’accès de la PMA a été étendu aux couples de femmes et aux femmes célibataires (cf. Evolutions de la loi de bioéthique : justifier l’injustifiable ?). Ce changement a fait exploser les demandes qui sont passées de 2.000 en moyenne chaque année avant la loi, à 24.000 entre août 2021 et décembre 2022 (cf. PMA pour toutes : 22.800 demandes de première consultation et 21 bébés).

La loi de bioéthique a aussi autorisé l’accès aux origines des enfants nés d’une PMA avec tiers donneur (cf. PMA : La France lève partiellement l’anonymat des donneurs). A leur majorité, ils peuvent connaître l’identité du donneur et certaines de ses « caractéristiques ». Elle ajoute qu’à partir d’une certaine date, qui n’a toujours pas été fixée par décret, les paillettes issues de dons couverts par le régime de l’anonymat, antérieur à septembre 2022, ne pourront plus être utilisées et devront être détruites.

Au 31 décembre 2022, le stock issu de « l’ancien régime » de don était d’environ 113.000 paillettes au niveau national, alors que celles provenant de donneurs ayant consenti à l’accès aux origines étaient à peine supérieures à 17.000.

L’accès aux origines reste « théorique »

Des associations d’usagers dénoncent cette situation. « Deux ans après l’adoption de la loi, ce droit reste théorique puisque la plupart des centres ont fait le choix d’épuiser le stock ancien pour continuer de satisfaire la demande. Ce qui est inacceptable car c’est source de préjudice pour les personnes nées de ces dons anonymes » relève Timothée Marteau, porte-parole de PMAnonyme, association qui milite pour l’accès aux origines.

« On a ouvert des droits nouveaux sans vraiment anticiper les difficultés que cela allait entraîner pour les centres, mais aussi les usagers, donneurs comme bénéficiaires » juge Marjorie Chalier, chargée de communication de l’association Dons de gamètes solidaires (cf. PMA : le Conseil d’Etat saisi sur la question de l’accès aux origines).

La « bonne date » ?

Pour résoudre ces problèmes, le ministère de la Santé a demandé à l’ABM de mettre en place un groupe de travail chargé de trouver quelle serait la « bonne date » pour basculer dans le nouveau régime de dons.

Ce groupe réunit des experts de l’ABM, des professionnels de santé de centres de dons et des représentants d’associations d’usagers. Il s’est déjà réuni deux fois, les 17 avril et 10 mai.

« L’Agence de la biomédecine a proposé un premier scénario qui prévoit un changement de cuve autour de la fin d’année 2024, mais son modèle s’appuie sur des données agrégées imprécises qui ne tiennent pas compte des spécificités locales » relève le professeur Thomas Fréour. « Les inconnues de l’équation sont encore nombreuses » réplique Marine Jeantet, directrice générale de l’ABM. L’agence sollicite du temps pour affiner ses calculs.

Une nouvelle réunion est prévue le 6 juin. « On peut espérer atterrir avant l’été. C’est, en tout cas, ce que demande le ministre de la santé. »

Trouver de nouveaux donneurs

En attendant, la solution semble être d’augmenter le nombre de nouveaux donneurs (cf. PMA : 4% des donneurs de sperme potentiels arrivent au bout de la procédure). Il est passé de 600 en 2021 à 764 en 2022, soit une augmentation de 27 %.

Dès l’automne, l’ABM a prévu de lancer des campagnes de sensibilisation centrées sur deux cibles : les jeunes parents de 18 à 43 ans, et les jeunes (cf. « Les jeunes », faux héros et vraies proies de notre époque) qui indiquent ne pas vouloir d’enfants, mais sont prêts à « faire des parents ».

 

[1] Les dons de spermatozoïdes recueillis sont conditionnés en « paillettes » avant d’être congelés jusqu’à leur utilisation

Source : La Croix, Antoine d’Abbundo (23/05/2023)

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