Lundi dernier, à l’occasion de la 2e réunion du comité national de suivi du plan ministériel 2022-2026 pour la Procréation, l’Embryologie et la Génétique humaines (PEGh) qui vise à « mobiliser tous les leviers disponibles pour favoriser un accès équitable à une offre de soins de qualité, à l’aune des mutations médicales, scientifiques et sociétales »[1], l’Agence de la biomédecine (ABM) a souhaité alerter « sur la nécessité de mobiliser davantage de donneurs pour répondre à une demande toujours croissante » [2].
Une forte demande suite au vote de la « PMA pour toutes »
Les chiffres indiquent qu’en 2023 plus de 8 500 premières consultations pour une AMP [3] avec don de spermatozoïdes ont été réalisées. Chez les couples de femmes, 28 % d’entre elles ont entre 25 et 29 ans, 34 % ont entre 30 et 34 ans, et 28 % entre 35 et 45 ans [4]. Les femmes seules sont majoritairement plus âgées. L’ABM indique en effet que « 23 % d’entre elles entre 30 et 34 ans et 69 % ont entre 35 et 45 ans ». Il y aurait donc 8 % de femmes seules qui ont recours à la PMA avant 30 ans.
Au total, plus de 5 300 premières tentatives d’AMP avec don de spermatozoïdes ont été réalisées en 2023, contre 1 981 en 2022. Conséquence de cette demande importante, « près de 7 600 femmes étaient en attente d’une AMP avec don de spermatozoïdes » au 31 décembre 2023. L’année précédente elles étaient « seulement » près de 5 650. Ces femmes sont pour 44 % d’entre elles des femmes seules, pour 38 % des femmes en couple avec une autre femme, et pour 18 % des femmes en couple avec un homme.
Bientôt une nouvelle campagne de « recrutement » de donneurs
Face à cette demande, le nombre de donneurs est non seulement « trop insuffisant », mais qui plus est en recul (cf. « PMA pour toutes » : l’écart se creuse entre l’offre et la demande). Quand 1 400 donneurs par an seraient nécessaires pour satisfaire le besoin, les candidats au don sont passés de 714 en 2022, à 676 en 2023.
Dans le cadre de la loi actuelle, le nombre d’enfants issus d’un même donneur est limité à 10 [5], le don n’est pas non plus rémunéré. Envisagera-t-on de changer ces dispositions ou de recourir à des banques de sperme internationales ? (cf. Banques de sperme : Comme le Danemark, la Norvège se met à l’export) Pour le moment l’Agence de la biomédecine indique seulement « de nouvelles actions de recrutement actif » prévues « courant 2024 » pour « augmenter massivement le nombre de donneurs ».
Les donneurs pointés du doigt
En effet, selon l’ABM, les donneurs ne seraient pas assez informés (cf. L’ABM en campagne pour le don de gamètes). Pourtant, alors que l’ABM multiplie les campagnes de communications vers tous les publics et notamment les jeunes (cf. Dons de gamètes : les jeunes au cœur de l’attention), la diminution du nombre de donneurs ne révèlerait-elle pas d’autres raisons ?
Marine Jeantet, directrice de l’ABM, balaie d’un revers de main la question de la levée de l’anonymat. « Nous n’avons pas observé de baisse de don lorsque l’anonymat a été levé en 2021. Les donneurs le savent, accès à ses origines ne vaut pas parentalité. Le droit est très clair », affirme-t-elle [6]. Elle omet cependant que la levée de l’anonymat n’a pris effet qu’en 2022 avec la parution du décret du 25 août 2022. La diminution du nombre de donneurs en 2023 pourrait donc tout à fait être liée à cette disposition.
Marine Jeantet va jusqu’à pointer le manque de « générosité » des donneurs masculins. « Que cela concerne le don de sang, de moelle, d’organes ou, ici, de gamètes, les hommes donnent toujours moins que les femmes », avance-t-elle. Une « explication » bien peu convaincante mise en regard de la baisse proportionnellement plus importante chez les donneuses d’ovocytes, les candidates au don étant, elles, passées de 990 en 2022 à 890 en 2023.
En dépit des campagnes et de la forme qu’elles prennent, il semble que la banalisation du don de gamètes n’ait pas gagné les esprits.
Complément du 08/07/2024 : Face à l’insuffisance des dons de gamètes, l’Agence de la biomédecine lancera une « grande campagne d’information » en septembre avec un bus qui sillonnera la France. « Il va s’arrêter dans dix villes en France dans lesquelles il y a centre de don de gamètes. Sur le stand, il y aura des médecins du centre, d’anciens patients… Et on peut directement demander un premier rendez-vous. » précise le docteur Claire Devienne. (Source : France info – 07/07/2024)
Complément du 12/09/2024 : Dans un communiqué daté du 5 septembre, l’ABM indique lancer « une tournée nationale pour recruter rapidement et massivement de nouveaux donneurs et donneuses de gamètes ». Ce « tour de France » se déroulera du 18 septembre au 11 octobre. Il s’inscrit « dans la continuité de la campagne #FaitesDesParents » qui avait été lancée en octobre dernier.
« Un bus s’arrêtera dans 10 villes de France comptant un centre de don de gamètes », précise l’Agence qui « entend ainsi capter le public de proximité » « en collaboration avec des médecins de centres de don et des représentants d’associations ».
[1] Les parties prenantes sont :
- Ministère de la santé et de la prévention – Direction Générale de la Santé
- Ministère de la santé et de la prévention – Direction Générale de l’Offre de Soins
- Agences régionales de santé
- Agence technique de l’information sur l’hospitalisation
- Conférence des présidents des commissions médicales d’établissement des CHU
- Conférence des directeurs généraux de CHRU de France
- Caisse Nationale d’Assurance Maladie
- Centre National des Soins à l’Étranger
- Association COLLECTIF BAMP!
- Association Mam’ensolo
- Les Enfants d’Arc en Ciel – l’asso !
- Association don d’ovocytes, spermatozoïdes un espoir
- Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL)
- Association Afrique Avenir
- Association Dons de gamètes solidaires
- Association PMAnonyme
- Groupe d’Etude pour le Don d’Ovocyte (GEDO)
- Groupe de Recherche et d’Etude de la Conservation de l’Ovaire et du Testicule (GRECOT)
- Groupe d’études sur la fécondation in vitro en France (GEFF)
- Collège national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF)
- Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM)
- Fédération nationale des biologistes des laboratoires d’étude de la fécondation et de la conservation de l’œuf (BLEFCO)
- Collectif des centres privés en AMP français (CCP)
- Société de la médecine de la reproduction (SMR)
- Fédération nationale des centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS)
- Centres de don de gamètes
[2] ABM, L’Agence de la biomédecine a besoin de doubler le nombre de donneurs pour faire face à une demande qui ne faiblit pas (02/07/2024)
[3] Assistance médicale à la procréation, synonyme de PMA
[4] Au sein des couples hétérosexuels, les chiffres de l’ABM indiquent que 40% des femmes ont entre 30 et 34 ans et 36% ont entre 35 et 45 ans.
[5] https://www.dondespermatozoides.fr/vos-questions/est-ce-que-le-donneur-peut-connaitre-mettre-une-limite-au-nombre-denfants-issus-de-son-don-de-spermatozoides/ (accédé le 04/07/2023)
[6] 20 minutes, Lise Abou Mansour, Le nombre de donneurs de sperme en France recule pour la première fois depuis 2021 (02/07/2024)