Accouchement sous X : la CEDH protège l’anonymat

Publié le 16 Fév, 2024

Dans un arrêt Cherrier contre France du 30 janvier 2024, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a considéré que la France ne violait pas l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en refusant de dévoiler à une personne née sous X l’identité de sa mère biologique.

Refus de la levée de l’anonymat

Annick Cherrier, une Française résidant à Nouméa, a appris en 2008, après le décès de son deuxième parent adoptif, qu’elle avait été abandonnée à sa naissance, en 1952. Elle s’est adressée au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) afin de connaître les causes de son abandon et l’identité de ses parents biologiques, souhaitant notamment se renseigner sur la nationalité de sa mère, les antécédents médicaux de sa famille et l’existence de frères ou sœurs biologiques.

Le CNAOP a pu lui fournir des données non identifiantes sur ses parents, mais ceux-ci refusèrent la levée de l’anonymat « maintenant et après [leur] décès ». Le conseil obtint également le jugement d’adoption expliquant la cause de son adoption. « La jeune fille est fiancée et [son fiancé] ne veut se marier que si elle abandonne l’enfant » était-il précisé au sujet de sa mère biologique.

Face au refus de sa mère de lever l’anonymat, Annick Cherrier envoya un courrier, le 16 avril 2009, pour que le CNAOP la contacte à nouveau. Une demande réitérée en vain en septembre 2010 et en février 2012.

Le 6 mars 2012, le CNAOP refusa de lui communiquer l’identité de sa mère après lui avoir expliqué, dans un courrier du 29 septembre 2010, qu’il ne pouvait passer outre le refus de celle-ci de lever le secret de son identité.

Un équilibre à trouver 

Dans un arrêt du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a reconnu que le CNAOP avait mis en œuvre tous les moyens pour lui permettre d’accéder à ses origines. Il refusa sa demande d’annulation de la décision du 6 mars 2012. Une décision à nouveau confirmée par la Cour d’appel de Paris le 30 janvier 2018, puis le Conseil d’Etat le 16 octobre 2019 (cf. Accouchement sous X et accès aux origines : le Conseil d’Etat tranche).

Estimant que ce refus de lui communiquer l’identité de sa mère portait atteinte à son droit d’accès aux origines, garanti par l’article 8 de la CEDH, Annick Cherrier se tourna vers la Cour européenne des droits de l’homme.

La CEDH a reconnu que le refus était constitutif d’une « ingérence dans la vie privée de la requérante », tout en rappelant que, selon une décision du Conseil constitutionnel du 16 mai 2012, l’accouchement sous X était conforme à la Constitution française « en se fondant sur les exigences constitutionnelles de protection de la santé et en considérant qu’il était de nature à garantir un équilibre satisfaisant entre les “intérêts de la mère et ceux de l’enfant” » (cf. Accouchement sous X et respect de l’anonymat de la mère: un droit conforme à la Constitution).

Se fondant sur l’arrêt Odièvre contre France du 13 février 2003 dans lequel elle avait jugé que « le dispositif d’accès aux origines personnelles mis en place par la France en 2002 était susceptible de favoriser un juste équilibre entre les différents intérêts en cause », la CEDH considère qu’il n’y a pas lieu de revenir sur cette interprétation. La Cour conclut ainsi que « l’État n’a pas outrepassé sa marge d’appréciation et que le juste équilibre entre le droit de la requérante de connaître ses origines et les droits et intérêts de sa mère biologique à maintenir son anonymat n’a pas été rompu » (cf. CEDH : le refus d’accès aux origines ne viole pas la Convention).

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