Un biocapteur sans fil pour mesurer l’œstradiol dans la sueur

Publié le 4 Déc, 2023

Des chercheurs ont conçu un biocapteur portable en forme d’anneau afin de mesurer l’œstradiol dans la sueur humaine. L’étude a été publiée le 28 septembre dans Nature Nanotechnology [1].

« Notre sueur contient des biomarqueurs cliniquement pertinents, mais à des concentrations extrêmement faibles », indique Wei Gao, ingénieur biomédical au California Institute of Technology, à Pasadena, et coauteur de l’étude. « Jusqu’à présent, aucun capteur ou dispositif portable n’a été mis au point pour cibler spécifiquement les hormones sexuelles présentes dans la sueur ».

Des aptamères pour cibler l’œstradiol

Alors que la plupart des biocapteurs utilisent des anticorps ou des enzymes pour cibler les protéines, Wei Gao a utilisé des aptamères [2], qui peuvent être obtenus chimiquement.

Pour réaliser le capteur d’œstradiol, les chercheurs ont combiné deux couches de matériaux : une interface ensemencée d’aptamères reconnaissant l’œstradiol, et une électrode à nanoparticules d’or recouverte d’un matériau, le MXène, qui renforce les signaux électriques faibles. Les aptamères ont été « préchargés » avec de l’ADN simple brin marqué par du bleu de méthylène, un colorant servant de sonde électrochimique.

Une fois placé sur le doigt, le biocapteur génère un petit courant afin de stimuler la production de sueur, qu’il aspire ensuite dans un minuscule réservoir. Quand la sueur remplit celui-ci, les aptamères échangent les brins d’ADN marqués au bleu de méthylène contre de l’œstradiol. Ces brins d’ADN peuvent se déplacer entre les couches, et se lier à des brins complémentaires sur l’électrode, où les niveaux de bleu de méthylène sont traduits en une mesure.

L’anneau comprend aussi des capteurs qui mesurent la température de la peau, le pH et la concentration en sel de la sueur, ce qui permet de calibrer les mesures hormonales en temps réel et de les afficher sur un téléphone portable.

Une corrélation « prometteuse »

Au cours de tests utilisant de la sueur artificielle, le capteur a réussi à détecter l’œstradiol en 10 minutes, à des concentrations proches de la limite basse de ce que l’on trouve généralement dans la sueur humaine.

Wei Gao et son équipe ont testé le capteur sur de la sueur synthétique, puis ils l’ont utilisé pour suivre les cycles menstruels de cinq femmes. Chez deux d’entre elles, des analyses de sang ont été effectuées simultanément afin de comparer les résultats avec ceux obtenus à partir de la sueur.

Les chercheurs ont constaté que les mesures des deux sortes d’échantillons augmentaient et baissaient de façon similaire, et correspondaient au schéma attendu. « La corrélation qu’ils ont trouvée entre le sérum sanguin et la sueur est vraiment prometteuse », estime Madhu Bhaskaran, ingénieur qui développe des capteurs et des technologies portables pour la santé à l’université RMIT de Melbourne. Elle précise toutefois que l’échantillon était de petite taille et qu’il est donc essentiel de s’assurer que la technologie « tient la route dans différentes conditions dans le corps humain ».

Une technique peu contraignante

Cette nouvelle technique est moins contraignante que les méthodes habituelles de suivi de la fertilité (cf. Contraception : le retour de la fertilité peut se faire attendre). Elle pourra être utilisée à domicile. Jusque-là, les personnes qui souhaitaient contrôler leur taux d’hormones devaient effectuer des analyses de sang en laboratoire. Certains tests utilisaient aussi l’urine, mais leurs résultats sont moins précis.

L’anneau a pour l’instant été utilisé pour suivre les cycles menstruels (cf. Applis de fertilité: seules 24% des ovulations se produisent au 14ème jour du cycle), mais l’œstradiol est aussi impliqué dans la modulation de la libido, de la fonction érectile et de la spermatogenèse. Wei Gao considère que le capteur pourrait également être utilisé par les personnes suivant une thérapie hormonale. Il souhaite développer des capteurs pouvant suivre en continu plusieurs hormones.

 

[1] A wearable aptamer nanobiosensor for non-invasive female hormone monitoring, https://doi.org/10.1038/s41565-023-01513-0 (2023)

[2] Les aptamères sont de courts fragments d’ADN ou d’ARN simple brin conçus pour se plier de manière à se lier à des cibles

Source : Nature, Amanda Heidt (30/11/2023) – Photo : Pixabay

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