Usage des pronoms, financement de la transition : les nouvelles « violences domestiques » ?

Publié le 13 Juil, 2023

Au Royaume-Uni, le service du Procureur, le Crown Prosecution Service (CPS), a mis à jour ses recommandations en matière de violences domestiques. Il y consacre une section aux « victimes trans et non binaires ».

La percolation du lexique trans

« L’identité de genre n’est pas la même chose que le sexe anatomique, introduit le CPS. L’identité de genre est ce que vous savez être votre genre et ne peut être décidée que par l’individu lui-même. » Elle « peut être identique au sexe assigné (cisgenre) ou différente du sexe assigné (trans) ». « L’identité de genre n’est pas la même chose que la sexualité, peut-on encore lire ; les personnes trans et non binaires s’identifient comme hétérosexuelles, gays, lesbiennes, bisexuelles, pansexuelles, asexuelles et aromantiques, entre autres identités. »

Une fois les présentations faites, et après avoir expliqué ce en quoi constitue une « transition »[1], le CPS détaille les violences domestiques auxquelles les personnes transgenres peuvent être confrontées.

« Mégenrer » son enfant, ne pas financer la transition de son conjoint

La liste n’est pas exhaustive précise le CPS avant de citer « quelques exemples de la manière dont les personnes trans et non binaires peuvent être maltraitées par leurs partenaires intimes ou les membres de leur famille ».

Parmi ces exemples on trouve le fait de « partager des images antérieures à la transition », de « refuser de l’argent pour la transition » ou « d’utiliser le nom ou le pronom de son choix », ou encore de « détruire des médicaments ou des vêtements ». Des « médicaments » dont on connaît les conséquences irréversibles sur les jeunes corps (cf. Changement de sexe chez les enfants : « un des plus grands scandales sanitaire et éthique »).

Les parents privés de leurs responsabilités

Les orientations du CPS « placent les forces de police dans la position extrêmement difficile et inappropriée d’émettre des jugements politisés à l’encontre des parents », estime Jeremiah Igunnubole, ancien procureur et conseiller juridique d’ADF UK [2] « Les parents qui “refusent de l’argent pour la transition” ou qui “refusent d’utiliser les pronoms préférés” de leurs enfants sont désormais susceptibles d’être poursuivis pour abus », alerte-t-il (cf. Il s’interroge sur la « transition » de son fils : un juge lui en retire la garde ; Transition de genre chez les enfants : le gouverneur du Texas demande d’enquêter sur ces « maltraitances »).

Pourtant, « il n’existe aucune obligation légale pour quiconque d’utiliser les “pronoms préférés” d’une autre personne », pointe le juriste. « En outre, le fait que les parents soient les premiers responsables du développement et de l’éducation de leurs enfants est protégé par le droit international », souligne-t-il.

Lancement d’un plan gouvernemental en France

En France, Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, a présenté lundi dernier un « nouveau plan gouvernemental d’action pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ »[3]. Outre l’« inclusion des familles homoparentales dans les formulaires de l’éducation nationale en faisant apparaître trois cases (père, mère, tuteur) avec deux entrées chacune », et un budget de 10 millions d’euros pour les « centres LGBT+ », le plan prévoit une « accélération de la formation des forces de l’ordre ».

« C’est sur la formation de l’ensemble des acteurs de la chaîne éducative, pénale et judiciaire, qu’insiste le plan, afin de « poursuivre le travail de lutte contre les haines » ». Ainsi, par exemple, 100 % des effectifs des commissariats de police et gendarmeries devront être formés avant mai 2024. Qu’en sera-t-il sur le sujet des violences domestiques ?

Seule une réserve semble avoir résisté. Les militants associatifs avaient demandé de « déjudiciariser le changement d’état civil pour les personnes trans, afin qu’il devienne entièrement libre et gratuit, sans passage devant le juge et sans frais d’avocat ». Après la « démédicalisation du changement de sexe à l’état civil » en 2016, le Gouvernement a choisi de ne pas aller plus loin sur le sujet, se démarquant de certains de nos voisins (cf. Espagne : l'”autodétermination du genre” librement autorisée dès 16 ans ; Allemagne : un projet de loi pour faciliter le changement de genre). Pour le moment (cf. Une proposition de loi afin d’autoriser la PMA pour les hommes transgenres). Selon l’Exécutif, la demande est « un peu précipitée et prématurée ».

Complément du 13/05/2024 : Le service du Procureur de la Couronne (CPS) a amendé ses recommandations qui menaçaient les parents de poursuites judiciaires s’ils refusaient d’accepter les « demandes spécifiques » d’un enfant transgenre.

Le fait de ne pas fournir de l’argent pour une transition n’est plus retenu comme une cause possible de poursuites. Par ailleurs le fait d’avoir « mal identifié une personne transgenre » ne pourra conduire à une traduction en justice que dans le cas où « l’intention de causer une détresse émotionnelle ou psychologique » est avérée. Il faudra tenir compte de « l’intérêt général » à poursuivre un parent dans ce contexte, est-il précisé. (Source : The Daily mail, (11/05/2024))

 

[1] « Certaines [personnes] ont pris ou ont eu la possibilité de prendre des mesures pour adapter leur corps, leur tenue vestimentaire, leur nom, leur pronom et leur identité sociale à ce qu’elles savent être. Les procureurs doivent être conscients que ce processus – appelé “transition” – n’est pas facile et peut prendre de nombreuses années. Pour certaines personnes transgenres, il n’est pas possible, d’un point de vue médical ou social, d’effectuer une transition, et d’autres ne le souhaitent en aucun cas. »

[2] ADF, Parents vulnerable to prosecution over pronouns, says recent CPS guidance

[3] Le Monde, Solène Cordier, Droits LGBT+ : la formation au cœur du nouveau plan gouvernemental (09/07/2023)

Photo : iStock

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