Des scientifiques de l’Académie chinoise des sciences indiquent avoir cloné un macaque rhésus [1] qui a survécu « plus de deux ans jusqu’à présent ». Une « première » affirment-ils. Ils ont publié leurs travaux dans la revue Nature Communications [2].
Tester de nouveaux médicaments ?
Les chercheurs sont parvenus à ce résultat en mettant en œuvre une « une approche légèrement différente de la technique conventionnelle utilisée pour cloner la brebis Dolly et d’autres mammifères ». En effet, ils ont remplacé le placenta [3] de l’embryon cloné par celui d’embryons produits par une technique de fécondation in vitro [4].
« Nous pourrions produire un grand nombre de singes génétiquement uniformes qui pourraient être utilisés pour tester l’efficacité de médicaments », indique Mu-ming Poo, directeur de l’Institut des neurosciences de l’Académie chinoise des sciences à Shanghai.
Un impact épigénétique
La technique de clonage « standard » connue sous le nom de transfert nucléaire de cellules somatiques (SCNT)[5] aboutit « généralement » à des taux de naissance et de survie « extrêmement faibles », notamment chez les primates. En 2018, 109 embryons de macaques crabiers ont été produits par cette technique. Les trois-quarts ont été implantés dans 21 « mères porteuses », conduisant à 6 grossesses, et 2 singes ont survécu à la naissance.
En 2022, un macaque rhésus obtenu par la même technique a survécu moins de 12 heures.
Les chercheurs de l’Académie chinoise des sciences de Shanghai ont dès lors comparé 484 embryons rhésus issus du SCNT à 499 embryons produits en injectant directement un spermatozoïde dans un ovule. « Les deux types d’embryons sont passés par des stades de développement similaires avant d’être implantés dans des mères porteuses », indiquent-ils. Toutefois, « seuls 35 embryons SCNT ont été implantés avec succès, contre 74 embryons ICSI ». Les embryons SCNT ont également été moins nombreux à survivre jusqu’au terme de la grossesse.
Les chercheurs ont effectué une série d’analyses, et ont constaté « des différences significatives dans les schémas de modifications épigénétiques » qui pourraient être à l’origine des problèmes de développement des embryons clonés. Ils ont également observé que les gènes qui sont « normalement exprimés différemment entre les génomes maternel et paternel » perdaient leurs caractéristiques distinctes dans les embryons clonés, en particulier dans les cellules du placenta (cf. Empreinte génomique : un processus différent chez le père et la mère).
Un processus encore « inefficace »
En utilisant leur nouvelle approche, les chercheurs ont fabriqué 113 embryons clonés de macaque rhésus et en ont implanté 11 dans 7 « mères porteuses », ce qui a donné lieu à 2 grossesses. L’une des « mères porteuses » a donné naissance à un singe rhésus mâle en bonne santé, baptisé ReTro. L’autre a porté des jumeaux, qui sont morts au 106e jour de gestation.
Bien que leur technique réduise les défauts du placenta et de la méthylation de l’ADN, « l’efficacité du processus est similaire, voire inférieure » à celle de la technique « standard » analyse Lluís Montoliu, généticien au Centre national espagnol de biotechnologie à Madrid.
« Utiliser le moins d’animaux possible »
« Nous commençons à utiliser ces singes clonés », indique Mu-ming Poo. « Nous voulons utiliser le moins d’animaux possible pour démontrer l’efficacité des médicaments, sans que l’influence du génome n’interfère », tente-t-il de justifier.
Le faible taux de réussite de ces recherches « confirme que non seulement le clonage humain est inutile et discutable, mais que s’il était tenté, ce serait extraordinairement difficile et éthiquement injustifiable », souligne Lluís Montoliu. Un avis que Qiang Sun, auteur de l’étude, affirme partager, jugeant le clonage d’un être humain « inacceptable », « en toutes circonstances » (cf. [Interview de Jacques Testart] La FIV à trois parents ou le retour camouflé du clonage humain).
[1] Macaca mulatta
[2] Liao, Z., Zhang, J., Sun, S. et al. Reprogramming mechanism dissection and trophoblast replacement application in monkey somatic cell nuclear transfer. Nat Commun 15, 5 (2024). https://doi.org/10.1038/s41467-023-43985-7
[3] Le trophoblaste
[4] injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI)
[5] Somatic cell nuclear transfer : Le noyau d’une cellule du corps est transféré dans un ovule dont le noyau a été enlevé
Sources : Nature, Miryam Naddaf (16/01/2024) ; Phys.org, Daniel Lawler (16/01/2024) ; RTBF avec AFP (18/01/2024) – Photo : Balaji Srinivasan de Pixabay