L’année dernière au mois de mai, un foie « de qualité jugée insuffisante pour une greffe classique » a été « réparé ». Trois jours plus tard, il a été transplanté chez un patient atteint d’un cancer. Un an après « le patient est en très bonne santé », affirme son chirurgien, le Pr Pierre-Alain Clavien, chef du département de chirurgie et de transplantation de l’hôpital universitaire de Zurich. Une opération qu’il estime « historique » et dont les résultats ont été publiés dans la revue Nature Biotechnology[1].
Imiter l’organisme
La technique utilise « une machine de perfusion innovante » qui « imite le corps humain » (cf. Greffe d’organes : des foies conservés et régénérés pendant 7 jours ?). « Une pompe remplace le cœur, un oxygénateur les poumons et une unité de dialyse assure les fonctions rénales. Les fonctions de l’intestin et du pancréas sont reproduites par un apport d’hormones et de nutriments. Enfin, pour imiter le diaphragme, la machine déplace le foie, placé sur un coussinet en silicone, au rythme de la respiration humaine. »
Grâce à ce système, des thérapies antibiotiques ou hormonales peuvent être administrées. Ici le foie greffé a subi « un traitement antibiotique agressif », car le donneur souffrait d’une infection. Selon le Pr Clavien, à l’issue de son passage dans la machine, le foie était dans un état « absolument parfait », « comme celui d’un donneur vivant ». Par ailleurs, « le patient a pu rapidement arrêter la prise de stéroïdes et n’a reçu que de très faibles doses d’immunosuppresseurs », pointe le médecin.
Vers une augmentation des donneurs
Selon les chercheurs, cette technique permettra d’augmenter le nombre de donneurs potentiels. Et permettre d’« allonge[r] la durée pendant laquelle une évaluation de la viabilité des organes du donneur peut être menée ». Une transplantation est aujourd’hui une intervention d’urgence. Elle pourrait devenir une « procédure élective ».
Les chercheurs prévoient de traiter et de greffer 24 foies prochainement. Et de lancer des études sur le rein « dans les deux ans ». Une procédure afin d’obtenir un marquage CE de la machine a également été initiée. Actuellement, les expérimentations sont autorisées « sous le régime des autorisations d’accès compassionnel ».
[1] Clavien, PA., Dutkowski, P., Mueller, M. et al. Transplantation of a human liver following 3 days of ex situ normothermic preservation. Nat Biotechnol (2022). https://doi.org/10.1038/s41587-022-01354-7
Source : le Quotidien du médecin, Elsa Bellanger (01/06/2022) – Photo : iStock