Où en est la fin de vie en France ?

Publié le 28 Sep, 2021

La fin de vie revient sur le devant de la scène. Une « convention citoyenne » sur ce sujet était évoquée, il y a deux semaines par Emmanuel Macron. Elle ne devrait finalement pas se tenir d’ici la fin du quinquennat. En revanche, la légalisation de l’euthanasie pourrait constituer une promesse de campagne. Plusieurs candidats promettent déjà « d’instaurer l’aide active à mourir ».

Le Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie (CNSPFV), créé le 5 janvier 2016, a pour « mission de contribuer à une meilleure connaissance des conditions de la fin de vie, des pratiques d’accompagnement et de leurs évolutions, ainsi que de l’organisation territoriale de la prise en charge des patients ». Son rapport d’activité, publié le 21 septembre 2021, fait un état des lieux de la situation sur les problématiques liées à la fin de vie en France.

La fin de vie en chiffres

609 648 personnes sont décédées en France, en 2018. Les deux tiers d’entre elles étaient âgées de 75 ans ou plus. Ce chiffre est à rapprocher des 7500 lits hospitaliers de soins palliatifs, comptabilisés en France en 2019, soit 14% de plus qu’en 2015. A cela s’ajoutent 428 équipes mobiles de soins palliatifs. Un quart des décès ont eu lieu à domicile. Les principales causes de décès sont les cancers, puis les maladies de l’appareil circulatoire.

La loi Claeys Leonetti de 2016 récuse l’acharnement thérapeutique et prévoit la possibilité pour l’équipe médicale de décider d’interrompre les traitements « inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Le rôle de la personne de confiance et des directives anticipées sont renforcés. La loi de 2016 tente enfin d’éclaircir « les conditions de l’arrêt des traitements au titre du refus de l’obstination déraisonnable ». Mais, le CNSPFV souligne que cette notion demeure subjective. De ce fait, les contours d’application sont flous, ouvrant la porte à de nombreuses dérives, et l’arrêt des traitements s’accompagne d’une « sédation profonde et continue jusqu’au décès » qui associée à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation devient une « euthanasie passive » qui ne dit pas son nom (Cf. La proposition de loi Claeys-Leonetti autorise-t-elle une euthanasie dissimulée ?).

Le cas des patients atteints de la maladie de Charcot

La sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot est une pathologie neurodégénérative rare et rapidement évolutive. Selon le rapport, 1 700 personnes décèdent chaque année de cette maladie. Elle constituerait même « la première cause de demande d’aide active à mourir dans les pays ayant légiféré sur cette pratique ». Le CNSPFV a donc engagé en 2019 « une réflexion pluridisciplinaire pour évaluer les conditions de prise en charge actuelles, au regard de la loi ». Ce groupe est notamment chargé d’apprécier « dans quelle mesure la sédation profonde et continue jusqu’au décès de la loi Claeys-Leonetti pourrait être une réponse pour accompagner la fin de vie » de certains de ces patients. Les conclusions de ce groupe de travail n’ont pas encore été publiées.

Enquêtes sur le suivi des politiques publiques

Afin de participer au suivi des politiques publiques, le CNSPFV a mené plusieurs enquêtes. Il en ressort notamment que « sur les 14 établissements participants, 36 sédations profondes et continues jusqu’au décès ont été identifiées sur la semaine étudiée » (cf. Sédation profonde et continue jusqu’au décès : La Haute autorité de santé recommande un changement de réglementation). Cette pratique, sous conditions, a été autorisée par la loi Claeys Leonetti de 2016. L’enquête montre que « ces sédations s’adossaient majoritairement à des propositions médicales de limitation ou d’arrêt des traitements chez des patients dans l’incapacité de s’exprimer ». Si la moitié des sédations profondes et continues sont pratiquées en réanimation, elles sont aussi mises en œuvre « en gériatrie, en oncologie, en soins palliatifs et en service d’aval des urgences ». Le rapport n’évoque pas le sujet du refus de la sédation. 

Peu d’écho pour les directives anticipées

La loi de 2016 (cf. La CMP vote la Proposition de loi Claeys Leonetti, un texte sur l’euthanasie qui ne dit pas son nom) renforce aussi le rôle de « la personne de confiance » et des « directives anticipées ». Selon un sondage BVA de janvier 2021, 18% des français de 50 ans et plus ont rédigé leurs directives anticipées. A la demande de la Direction Générale de la Santé du ministère des Solidarités et de la Santé, le CNSPFV a constitué un groupe de travail « pour concevoir des outils pédagogiques afin de faciliter la rédaction » de ces directives anticipées.

Un accès toujours inégal aux soins palliatifs

En France, le rapport souligne que d’importantes inégalités d’accès aux soins palliatifs demeurent, 26 départements ne disposant pas de ces unités sur leur territoire. Mais il est consternant d’assister à la confusion entretenue entre soins palliatifs et sédation profonde et continue jusqu’au décès. Celle-ci ayant peu à voir avec un soin de fin de vie puisqu’il s’agit d’endormir le patient pour ne jamais plus le réveiller. Par ailleurs, « la législation reste insuffisamment connue » aussi bien des professionnels, que de la population, notamment sur ce point de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Pourquoi  légiférer sur l’euthanasie, alors que la loi Claeys Leonetti de 2016 n’est pas encore mise en œuvre ?

Les membres du CNSPFV sont tous reconduits dans leurs mandats. Mais, à l’issue de ce rapport, on ne sait pas du tout dans quel sens ils souhaitent agir sur le développement des soins palliatifs, la mise en œuvre de la sédation profonde et continue, la problématique du suicide assisté.

Enfin, comment ne pas s’interroger sur les mesures récemment annoncées par le gouvernement sur les soins palliatifs et la fin de vie (cf. L’AP-HP lance une nouvelle offre de soins palliatifs à domicile171 millions d’euros pour les soins palliatifs). Elles s’apparentent à un blanc seing illusoire alors que le suicide assisté et l’aide médicale à mourir semblent être la croisade à venir de la prochaine présidentielle (cf. La PPL Falorni tombe en désuétude – le spectacle exagéré des promoteurs de l’euthanasie).

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