Selon une étude réalisée par des chercheurs d’Ottawa et publiée dans le Canadian Medical Association Journal (CMAJ)[1], en Ontario, la moitié des personnes nécessitant des soins palliatifs n’en ont pas bénéficié à domicile avant leur décès.
Les données de près de 250 000 adultes de plus de 50 ans vivant Ontario et ayant eu au moins une « évaluation des soins à domicile interRAI » (Resident Assessment Instrument) entre avril 2018 et septembre 2019 ont été examinées dans le cadre de cette étude. A l’aide de RESPECT [2], un algorithme développé pour mieux identifier les « personnes âgées fragiles », les chercheurs ont prédit le risque de décès dans les six mois suivant l’évaluation, et examiné les soins dont avaient bénéficié ces personnes.
27,8 % ont eu au moins une consultation de soins palliatifs à domicile par un médecin
L’étude a démontré que seule la moitié (50,6 %) des personnes dont l’espérance de vie était inférieure à trois mois avaient reçu des soins palliatifs à domicile par un non médecin avant leur décès. En outre, un peu plus du quart d’entre eux (27,8 %) avaient pu bénéficier d’au moins une consultation de soins palliatifs à domicile par un médecin.
Près de 12 % de ces personnes sont décédées dans les six mois suivant l’évaluation. L’âge moyen des patients était par ailleurs d’environ 80 ans lors de l’évaluation, et la plupart d’entre eux étaient des femmes.
Les soins palliatifs, « un élément essentiel »
« L’un des grands défis est que nous vivons dans une société qui nie la mort » explique le Dr Amy Hsu, chercheuse à l’Institut de recherche Bruyère, professeur du département de médecine générale de l’Université d’Ottawa et auteur principal de l’étude (cf. « Nous sommes dans une société thanatophobe et mortifère »). « Je pense que beaucoup d’entre nous ont peur d’en parler » ajoute-t-elle. La fin de vie suscite en effet beaucoup d’anxiété, les membres de la famille sont « confrontés à beaucoup d’incertitude » (cf. Pour une fin de vie digne de l’humaine dignité).
Un soutien est nécessaire pour « traverser cette épreuve » explique la chercheuse. Elle souligne que « les soins palliatifs sont un élément essentiel d’une approche holistique, globale et centrée sur le patient pour soigner toutes les personnes atteintes d’une maladie limitant l’espérance de vie à partir du moment du diagnostic de la maladie » (cf. Fin de vie : « c’est le soin qui doit d’abord s’exprimer »).
Anticiper les soins palliatifs
Recevoir des soins palliatifs précocement améliore la fin de vie, et permet notamment de diminuer l’anxiété ou de mieux gérer la douleur. Pourtant, au Canada, seules 15 % des personnes nécessitant des soins palliatifs reçoivent ces soins au cours de leur dernière année de vie (cf. Canada : des soins palliatifs défaillants).
L‘étude a montré que ceux qui avaient reçu des soins palliatifs à domicile étaient des personnes dont l’espérance de vie avait été estimée par les médecins.
Même s’ils ont « une très bonne idée de l’état de santé général de leur patient et de sa détérioration, il est très difficile [pour les médecins] de quantifier son espérance de vie » comme le rappelle Maya Murmann, chercheuse associée à l’Institut de recherche Bruyère.
Mieux identifier « ceux qui ont besoin de soins et à quel moment »
« Les algorithmes de prédiction, comme RESPECT, peuvent améliorer la façon dont nous prodiguons des soins aux personnes fragiles. Ils peuvent aider les cliniciens à reconnaître ceux qui ont besoin de soins et à quel moment » indique le Dr Douglas Manuel, médecin généraliste, scientifique à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa, et co-auteur de l’étude.
L’algorithme est accessible au grand public comme aux établissements. Jusqu’à présent, environ 400 000 personnes ont utilisé RESPECT précise Maya Murmann, qui soutient le développement de l’outil dans les différents systèmes de soins. Les utilisateurs y saisissent différentes informations comme l’âge, le sexe, ainsi que les maladies et affections chroniques, les symptômes, les visites récentes à l’hôpital, ou la capacité du patient à effectuer ses tâches quotidiennes.
« Nous ne nous en sortons pas très bien au Canada »
« Si nous avions de meilleures prévisions, nous pourrions vivre mieux » insiste le Dr Douglas Manuel (cf. Fin de vie : « refaire de la place à la faille » et « rester, jusqu’au bout, solidaires »). Cela permettrait en effet de mieux connaitre les souhaits des patients en fin de vie et de mieux anticiper les soins palliatifs .
« Une proportion importante de patients susceptibles de vivre leurs derniers mois ou années de vie ne reçoivent pas de soins palliatifs et continuent d’être admis dans des hôpitaux et des maisons de soins de longue durée » relève Maya Murmann. Pourtant, comme elle le rappelle, « la plupart des Canadiens souhaitent mourir chez eux ou dans un environnement similaire, entourés de leurs proches » (cf. Fin de vie : « Il n’est pas mort dans une clinique en Suisse, mais chez lui, dans nos bras »).
« Nous ne nous en sortons pas très bien au Canada » souligne le Dr Douglas Manuel. « Nous avons un nombre élevé de décès à l’hôpital et peu de soins palliatifs ».
[1] Estimated mortality risk and use of palliative care services among home care clients during the last 6 months of life: a retrospective cohort study, Canadian Medical Association Journal (2024). DOI: 10.1503/cmaj.221513
[2] Risk Evaluation for Support : Predictions for Elder-life in the Community Tool
Sources : Medical Xpress (26/02/2024) ; Ottawa Citizen, Joanne Laucius (26/02/2024)