Canada : des soins palliatifs défaillants

Publié le 9 Jan, 2024

Un rapport intitulé « Analyser les soins palliatifs au Canada » a été publié par la Société canadienne du cancer (SCC) afin d’établir un état des lieux dans le pays. Alors que ces soins sont essentiels, il révèle que le Canada ne dispose pas de soins palliatifs de qualité.

Un constat confirmé par une étude internationale sur la « qualité de la mort et de la fin de vie », publiée en 2022 [1], selon laquelle le pays se classe à la 22e place sur 81.

« 3,97 lits de soins palliatifs pour 100 000 habitants »

C’est la première fois que ces données sont disponibles depuis 2017, date à laquelle des conclusions avaient été publiées par l’Association canadienne des soins palliatifs.

Pour établir son rapport, la SCC a effectué une enquête auprès de toutes les provinces et de tous les territoires, mais aussi de quatre ministères fédéraux [2] et de treize organismes communautaires [3]. Le Québec et le Manitoba sont les deux seules provinces à ne pas avoir participé.

Le Canada ne dispose ni de norme, ni d’objectif en ce qui concerne le nombre de lits de soins palliatifs que le pays devrait avoir. Toutefois, selon la Société canadienne du cancer, les « bonnes pratiques de différentes administrations »[4] suggèrent qu’il devrait y avoir au moins 7 lits de soins palliatifs pour 100 000 habitants.

Au vu du rapport, le pays ne dispose pas d’assez de lits par rapport aux besoins. En effet, le Canada ne disposait que de 3,97 lits de soins palliatifs pour 100 000 habitants au 31 mai 2022. Le nombre de lits se situe sous le seuil de 7 lits de soins palliatifs dans la plupart des provinces. Seuls la Colombie-Britannique et le Yukon dépassent ce seuil.

« L’accès à des soins palliatifs de qualité est limité et inégal »

Le rapport souligne que l’accès à des soins palliatifs de qualité est particulièrement difficile pour les populations qui sont « mal desservies », comme les communautés rurales et éloignées, les Premières Nations, les Inuits et les Métis, ainsi que les personnes en situation d’itinérance.

« Il est décourageant de constater à quel point l’accès à des soins palliatifs de qualité est limité et inégal pour un grand nombre de personnes au Canada, alors que ces personnes ont besoin de tels soins et méritent de les recevoir » déplore Andrea Seale, responsable de la direction de la Société canadienne du cancer. « Toute personne atteinte d’une maladie limitant son espérance de vie a droit au confort, à la dignité et à la capacité de choisir, et c’est exactement ce qu’offrent les soins palliatifs » ajoute-t-elle. « C’est un service auquel tous les Canadiens ont droit, mais qu’ils n’obtiennent pas tous » dénonce lui aussi Daniel Nowoselski de la Société canadienne du cancer.

« Perceptions erronées des soins palliatifs »

Outre le nombre inadéquat de lits de soins palliatifs, le rapport met au jour d’autres lacunes, comme la nécessité d’offrir des soins palliatifs dans d’autres lieux que les hôpitaux, notamment les maisons de soins palliatifs, les résidences pour personnes âgées ou à domicile, afin d’assurer la continuité des soins. Le manque de formation des professionnels de santé en matière de soins palliatifs a également été relevé, tout comme la méconnaissance des soins palliatifs de la part des patients, des familles et des professionnels de santé.

Les perceptions erronées des soins palliatifs et de leurs bienfaits sont encore courantes. La plupart des patients, des familles et des médecins associent soins palliatifs et « abandon ». En outre, il existe d’importants obstacles sociétaux lorsqu’il est question de parler de la fin de vie et de la mort.

« Campagne de sensibilisation »

Fin 2023, le ministre fédéral de la santé du Canada devait faire un bilan des progrès réalisés depuis la mise en œuvre du cadre sur les soins palliatifs de 2018 et du plan d’action de 2019 devant le Parlement. Celui-ci n’est pas encore connu, mais peut-être permettra-t-il de compléter l’état des lieux fait par la SCC, et de mieux comprendre la situation pour la faire évoluer ?

Pour l’heure, afin de remédier aux manques identifiés, le rapport propose de mettre en place une campagne de sensibilisation ciblant le grand public et les professionnels de santé, mais aussi de développer la formation pour un plus grand nombre de professionnels de santé. « Il faut en faire davantage afin que les gens soient au fait de l’information et du soutien à leur disposition, et que les professionnels de la santé aient les ressources nécessaires pour fournir des soins palliatifs et de fin de vie aux personnes atteintes de maladies limitant leur espérance de vie, comme le cancer » insiste Andrea Seale.

Alors que le recours à l’euthanasie ne cesse d’augmenter au Canada, le pays ne dispose pas de soins palliatifs adaptés. Il ne met pas à disposition de ses habitants tous les moyens nécessaires pour permettre de prendre en charge correctement la souffrance, et de les accompagner en fin de vie. Le Canada était pourtant un pionnier des soins palliatifs il y a encore quelques années. L’euthanasie se serait-elle substituée aux soins palliatifs, les faisant reculer depuis sa légalisation ?

 

[1] Cette étude, réalisée par Duke-NUS Medcial School, a été établie en utilisant 13 indicateurs, puis en adressant un questionnaire à des spécialistes en soins palliatifs de chaque pays.

[2] Santé Canda, Service correctionnel du Canada, Défense nationale, Service aux autochtones Canada et Anciens combattants Canada

[3] Notamment des membres de la coalition pour des soins de fin de vie de qualité du Canada et diverses associations provinciales de soins palliatifs

[4] Notamment les pratiques établies par la vérificatrice générale de l’Ontario

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