Les ultrasons pour des interfaces cerveau-machine moins invasives

Publié le 4 Déc, 2023

Les interfaces cerveau-machine (ICM) sont des dispositifs capables de lire l’activité cérébrale et de la traduire en commande d’un dispositif électronique tel qu’une prothèse de bras ou un curseur d’ordinateur. De nombreuses ICM nécessitent des interventions chirurgicales invasives pour implanter des électrodes dans le cerveau afin de lire l’activité neuronale. Toutefois, en 2021, des chercheurs de Caltech ont mis au point un moyen de lire l’activité cérébrale à l’aide d’« ultrasons fonctionnels » (fUS), une technique « beaucoup moins invasive ». Une nouvelle étude, publiée dans le journal Nature Neuroscience [1], indique que cette technique peut servir de base à une ICM « connectée », qui « lit l’activité cérébrale, en déchiffre le sens à l’aide de décodeurs programmés avec l’apprentissage automatique, et commande ainsi un ordinateur capable de prédire avec précision les mouvements avec un temps de retard très court ».

L’étude a été réalisée dans les laboratoires de Caltech, en collaboration avec le laboratoire de Mickael Tanter, directeur à l’Inserm.

Des techniques avec des avantages et des inconvénients

« Si les électrodes peuvent mesurer très précisément l’activité de neurones individuels, elles doivent être implantées dans le cerveau lui-même et il est difficile de les appliquer à plus de quelques petites régions cérébrales, explique Sumner Norman, co-auteur de l’étude. Les techniques non invasives présentent également des inconvénients. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle permet d’accéder à l’ensemble du cerveau, mais sa sensibilité et sa résolution sont limitées » (cf. L’IRM fonctionnelle permet de cartographier la connectivité cérébrale chez le foetus). Quant aux « méthodes portables », comme l’électroencéphalographie, elles sont entravées « par la mauvaise qualité du signal et l’incapacité à localiser les fonctions cérébrales profondes ».

Dans ce paysage, l’intérêt de l’échographie fonctionnelle, outre son caractère moins invasif que les implants cérébraux, est qu’elle ne nécessite pas de « recalibrage constant ».

Utiliser l’effet doppler

L’imagerie par ultrasons consiste à émettre des impulsions à haute fréquence et à mesurer la façon dont ces vibrations sonores se propagent dans un milieu, tel que les différents tissus du corps humain [2]. Le crâne n’étant pas perméable aux ondes sonores, l’utilisation des ultrasons pour l’imagerie cérébrale nécessite l’installation d’une « fenêtre » transparente dans le crâne, qui n’atteint toutefois pas le tissu cérébral et la dure-mère.

Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé les ultrasons pour mesurer les changements dans le flux sanguin vers des régions spécifiques du cerveau. De la même manière que le son d’une sirène d’ambulance change de tonalité lorsqu’elle se rapproche puis s’éloigne, les globules rouges augmentent la tonalité des ondes ultrasonores réfléchies lorsqu’ils s’approchent de la source, et la diminuent lorsqu’ils s’en éloignent.

La mesure de cet effet Doppler a permis « d’enregistrer de minuscules changements dans la circulation sanguine dans des zones d’une largeur de 100 micromètres seulement, soit environ la largeur d’un cheveu humain ». Ils ont ainsi pu mesurer simultanément l’activité de « minuscules populations de neurones », dont certaines ne comptent que 60 neurones, au sein du cerveau de primates [3].

Les chercheurs prévoient de poursuivre leurs travaux chez l’homme, et de développer la technologie afin de permettre une imagerie tridimensionnelle pour une plus grande précision.

 

[1] Whitney S. Griggs et al, Decoding motor plans using a closed-loop ultrasonic brain–machine interface, Nature Neuroscience (2023). DOI: 10.1038/s41593-023-01500-7

[2] Cette technique est couramment utilisée pour obtenir des images d’un fœtus in utero.

[3] Les chercheurs se sont concentrés sur l’activité cérébrale du cortex pariétal postérieur (CPP) de ces primates, une région qui régit la planification des mouvements et contribue à leur exécution. Les animaux ont appris deux tâches, leur demandant soit de planifier le déplacement de leur main pour diriger un curseur sur un écran, soit de planifier le déplacement de leurs yeux pour regarder une partie spécifique de l’écran. Ils n’avaient qu’à penser à l’exécution de la tâche, sans bouger les yeux ou les mains, car l’ICM « lisait » l’activité de planification dans leur CPP.

Les données échographiques ont été envoyées en temps réel à un décodeur « préalablement entraîné », qui a ensuite généré des signaux de commande pour déplacer le curseur à l’endroit où l’animal voulait qu’il aille. L’ICM a été en mesure de le faire avec succès pour huit cibles radiales avec des erreurs moyennes inférieures à 40 degrés.

Source : Medical Xpress, Lori Dajose, California Institute of Technology (30/11/2023)

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