Cosmo, un veau mâle génétiquement modifié afin que « 75 % de sa progéniture soit mâle » a vu le jour en avril à l’université de Californie Davis. « Dans l’industrie de la viande, les mâles sont préférés aux femelles car ils sont plus lourds et 15% plus efficaces pour convertir les aliments en masse corporelle ».
Alors qu’il était un embryon, les chercheurs « ont inséré un gène appelé SRY dans le chromosome 17 » du veau en ayant recours à l’outil d’édition du génome CRISPR. Un gène connu pour induire un « développement mâle ». « Les descendants de Cosmo qui hériteront de ce gène SRY grandiront et ressembleront à des mâles, qu’ils héritent ou non d’un chromosome Y », explique Alison Van Eenennaam, généticienne animale au département des sciences animales de l’université de Californie Davis. Ainsi, la moitié de sa descendance sera constituée de mâles dotés de chromosomes XY, mais « un quart supplémentaire sera génétiquement constitué de femelles (XX) qui hériteront du gène SRY et grandiront en tant que mâles ». Le reste de sa progéniture sera des femelles, sans le gène SRY.
Le veau qui « entrera dans un programme d’élevage dans 12 mois » transmettra la modification génétique à sa descendance. Et « sa progéniture sera alors analysée pour voir si la présence de SRY sur le chromosome 17 est suffisante pour déclencher un développement mâle chez les animaux qui sont XX ». Mais « les animaux issus de sa lignée ne serviront pas à l’alimentation humaine », Cosmo étant une « créature purement expérimentale » à ce stade.
En France, dans une lettre ouverte au premier ministre, 16 organisations[1] demandent « l’interdiction de la production, de l’utilisation et de la dissémination de tout OGM issu du forçage génétique ». Cette technique « est une nouvelle manière d’utiliser la transgénèse en l’accompagnant d’un contournement des lois de l’hérédité via CRISPR, une technique récente de modification génétique d’un organisme – animal sauvage ou domestique (insecte, oiseau, mammifère, etc.) et à terme, certaines plantes » explique le document. Une modification qui « pourra ainsi se propager en quelques générations à l’ensemble d’une population, voire à toute une espèce » précisent les organisations.
« Les risques posés par cette ingénierie du vivant sont inédits, partiellement connus, et potentiellement catastrophiques pour l’environnement : éradication d’espèces entières, modifications irréversibles d’équilibres naturels, interactions imprévues entre constructions génétiques forcées et naturelles… Sans parler d’usages involontaires ou malintentionnés (destruction de récoltes, usages militaires…) » alertent-elles. « Aujourd’hui, les tests sont effectués en laboratoire sous la menace constante de fuites accidentelles dans l’environnement. Mais déjà la pression des firmes de la biotech est forte pour que des essais soient menés ″grandeur nature″ et que des organismes issus du forçage génétique soient lâchés dans les écosystèmes, indiquent les signataires de la lettre. Au nom du principe de précaution, nous demandons donc à la France de se prononcer pour une interdiction de tout OGM issu du forçage génétique. »
En janvier 2021, la France accueillera « le Congrès mondial de la nature organisé par l’IUCN à l’issue duquel ses membres seront appelés à définir une position commune sur les OGM issus du forçage génétique ».
Pour aller plus loin :
- Avis du CCNE sur les modifications ciblées du génome : « La société devrait définir le monde qu’il serait souhaitable de léguer aux générations futures »
- Premier lâché de moustique génétiquement modifié au Burkina Faso
- Le gene-drive financé par l’armée américaine et soutenu par la fondation Gates
[1] Les Amis de la Terre, Ayni, le Centre international de droit comparé de l’environnement (CIDCE), la Confédération paysanne, le Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), Demeter, le Collectif des Faucheurs volontaires d’OGM, Foll Avoine, France Nature Environnement (FNE), le Groupe international d’études transdisciplinaires (GIET), le Mouvement de l’agriculture biodynamique (MABD), Noé, OGM Dangers, l’Office pour les insectes et leur environnement (OPIE), POLLINIS et Sciences citoyennes
Sources : Daily Mail, Joe Pinkstone (24/07/2020) – Sciences Citoyennes (24/07/2020) – Photo : Kadres de Pixabay