Dans une étude publiée le 22 mars dans le journal Cell Metabolism [1], des chercheurs expliquent que « si la grossesse accélère l’âge biologique, celui-ci recule après l’accouchement, en particulier chez celles qui allaitent ou ont un indice de masse corporel inférieur à la normale ». En effet, notre âge biologique ou physiologique fluctue en fonction de différents facteurs tels que le stress, la maladie, les opérations chirurgicales ou les grossesses (cf. Les expériences négatives pendant l’enfance accélèrent le vieillissement épigénétique ; Epigénétique : « Ce que nous vivons au cours de ces neuf premiers mois peut nous affecter toute notre vie »).
Selon une étude publiée en 2023 dans le même journal [2], la maternité entraîne un vieillissement moléculaire plus rapide chez la souris et la femme (cf. Epigénétique : des souris vieillies puis rajeunies). Mais, « la flèche du temps biologique peut aussi s’inverser » comme le démontrent les scientifiques qui ont mené l’étude publiée le mois dernier.
Pour effectuer leurs recherches, ils ont analysé des échantillons de sang prélevés sur 119 femmes au début, au milieu, à la fin de la grossesse et, pour 68 d’entre elles, trois mois après leur accouchement. Ils ont observé dans les leucocytes (globules blancs) des modifications de la méthylation de l’ADN qui régule l’expression des gènes. Ils ont ainsi constaté une augmentation variant de 0,7 ans à 2,52 ans chez les femmes enceintes. « Mais l’inversion marquée de l’âge biologique entre la fin de la grossesse et les trois mois suivant l’accouchement était tout à fait inattendue » explique Kieran O’Donnell, expert en santé périnatale à la Yale School of Medicine et auteur principal de l’étude. « Nous avons constaté une diminution de l’âge biologique de trois ans à huit ans » précise-t-il.
Deux facteurs : l’IMC et l’allaitement
L’indice de masse corporelle (IMC) avant la grossesse et l’allaitement seraient deux facteurs susceptibles d’influencer le vieillissement biologique de la mère. Pour les femmes enceintes avec un IMC de 30, correspondant à une obésité modérée, l’âge biologique était supérieur de 0,7 an à 1,4 an à celui des femmes avec un IMC de 23. De plus, les femmes qui allaitaient présentaient un âge biologique moyen d’environ un an de moins que celles qui pratiquaient un allaitement mixte ou qui n’allaitaient pas.
Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour savoir notamment quels processus sont à l’origine des changements de l’âge biologique observés. « Nous savons que les modifications du nombre de cellules immunitaires dans le sang sont un facteur probable mais nous ne pensons pas qu’elles expliquent totalement les changements constatés », explique Kieran O’Donnell. « Parmi les autres mécanismes possibles figurent les changements dans l’inflammation, la fonction des cellules souches, les hormones de stress, les dommages et la réparation de l’ADN, autant de mécanismes qui doivent être étudiés » poursuit-il. Il faudrait également déterminer si l’inversion de l’âge biologique maternel observée trois mois après l’accouchement se maintient dans le temps et si les effets s’accumulent au fil des grossesses.
[1] The effects of pregnancy, its progression, and its cessation on human (maternal) biological aging, 22/03/2024, Hung Pham, Tara Thompson-Felix, Darina Czamara, Jerod M. Rasmussen, Adam Lombroso, Sonja Entringer, Elisabeth B. Binder, Pathik D. Wadhwa, Claudia Buss, Kieran J. O’Donnell, https://doi.org/10.1016/j.cmet.2024.02.016
[2] Biological age is increased by stress and restored upon recovery, 21/04/2023, Jesse R. Poganik, Bohan Zhang, Gurpreet S. Baht, Alexander Tyshkovskiy, Amy Deik, Csaba Kerepesi, Sun Hee Yim, Ake T. Lu, Amin Haghani, Tong Gong, Anna M. Hedman, Ellika Andolf, Göran Pershagen, Catarina Almqvist, Clary B. Clish, Steve Horvath, James P. White, Vadim N. Gladyshev, https://doi.org/10.1016/j.cmet.2023.03.015
