C’est ce soir qu’est diffusé sur Arte le documentaire “La malédiction de naître fille” sur les 100 millions de filles avortées ou tuées à la naissance en Asie (cf. revue de presse du 19/10/06). La Croix fait une interview des deux réalisateurs Manon Loizeau et Alexis Marant.
Ils expliquent la difficulté qu’ils ont eu à mener leur documentaire. D’une part, beaucoup d’ONG ont refusé de les guider craignant des représailles ou refusant de montrer cette facette de leur pays. D’autre part, l’avortement sélectif étant officiellement interdit, les femmes craignent de témoigner et beaucoup n’acceptent de le faire qu’à visage couvert.
“Recueillir la parole des femmes elles-mêmes, ces mères qui ont tué ou empêché de naître ces filles fut très compliqué“, relate Manon Loizeau, car “elles n’ont souvent pas conscience d’avoir commis un crime“. Les rencontres ont nécessité un long travail d’approche, notamment grâce à l’ONG Terre des hommes. La reporter explique que “les mères infanticides que nous avons par exemple filmées dans le Tamil Nadu sacrifient leurs enfants parce qu’elles n’ont pas assez d’argent pour les nourrir et que la communauté ne leur laisse pas le choix“. Les témoignages de ces femmes infanticides sont d’une grande pudeur. Souvent, c’est la première fois qu’elles se confient ainsi, ne s’étant jamais permis d’exprimer leur douleur. Au début, elles décrivent “froidement comment elles ont tué leur nouveau-né“. Il faut du temps pour “qu’elles confient leurs émotions” mais “une fois la parole libérée, c’était bouleversant“.
Pour lutter contre ce fléau, il faudrait changer les mentalités, estime Manon Loizeau . “Les femmes indiennes doivent cesser de se dire qu’elles valent moins que les hommes. En dehors de la pression sociale et du poids des traditions, elles se nient elles-mêmes le droit d’exister. Souvent elles refusent de donner naissance à des filles pour ne pas leur faire subir ce qu’elles-mêmes ont enduré“.
La Croix (Cécile Jaurès) 24/10/06