CRISPR : deux équipes se disputent la paternité de l’invention

Publié le 8 Fév, 2022

Le 4 février « la bataille apparemment sans fin des brevets pour savoir qui a inventé CRISPR » s’est tenue devant l’Office américain des brevets et des marques (USPTO). La question à l’ordre du jour était de déterminer l’inventeur de « la molécule d'”ARN guide” qui permet à l’éditeur de génome de fonctionner » dans des cellules eucaryotes. Avec à la clé pour le gagnant « d’énormes récompenses financières, car de nombreuses entreprises ont investi des millions de dollars pour transformer CRISPR en thérapies » (cf. CRISPR : premières injections chez des adultes dans le cadre d’un essai clinique).

Un duel

Deux parties revendiquent l’invention. Tout d’abord, le groupe « CVC » qui inclut Jennifer Doudna de l’Université de Californie (UC) à Berkeley et Emmanuelle Charpentier de l’Institut Max Planck (cf. CRISPR nobelisé, faut-il s’en inquiéter ?). Les scientifiques ont décrit « pour la première fois » comment CRISPR « pouvait modifier des tronçons d’ADN circulaires ou linéaires courts dans un article de Science publié en ligne le 28 juin 2012 ». Mais sans montrer s’il fonctionnait dans les cellules eucaryotes, une « clé » pour les thérapies chez l’homme.

De l’autre côté : Feng Zhang, du Broad Institute du MIT et de Harvard, associé à des collègues de ces mêmes établissements. Ces chercheurs avaient révélé dans un article publié le 3 janvier 2013 sur le site de la revue Science, qu’ils avaient « réussi à modifier des cellules humaines et de souris ». Feng Zhang a été associé à « certains prix » délivrés pour CRISPR. Mais pas au prix Nobel.

Juste une question de temps ?

L’avocate du CVC, Eldora Ellison, a défendu l’idée que l’ARN guide décrit en juin 2012 « était nécessaire pour modifier les cellules eucaryotes », même si les chercheurs du CVC ont mis plus de temps à le « mettre en pratique ». Pour l’avocat de la partie adverse, « le CVC n’avait pas d’idée précise », « juste un espoir ». Mais Me Ellison a affirmé que l’équipe du Broad Institute avait obtenu des « informations secrètes » de l’un des rapporteurs de l’article de 2012. Ce que dément cette équipe.

Kevin Noonan, un avocat spécialisé en brevets qui n’est pas impliqué dans l’affaire, résume : « Nous l’avons fait en premier », argumente le Broad Institute, quand le CVC affirme que ce n’est « pas la norme légale pour la paternité d’une invention ». L’Office n’a pas pris de décision au terme de l’audition.

Des enjeux financiers

Les sociétés qui développent des traitements basés sur CRISPR ont contracté des licences, soit auprès du Broad Institute, soit du CVC. La décision de l’USPTO pourrait dès lors engendrer des « pertes monstrueuses » pour certaines d’entre elles, assure Jacob Sherkow, avocat spécialisé dans les brevets à la faculté de droit de l’université de l’Illinois et observateur de cette bataille juridique.

 

Source : Science, Jon Cohen (04/02/2022) – Photo : iStock

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