Le 19 mars, Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice Les Républicains (LR) du Val d’Oise, et environ une centaine de ses collègues ont déposé une proposition de loi afin d’« encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre ».
Alors qu’à l’étranger de nombreux pays, comme les Etats-Unis, certains pays scandinaves, ou l’Angleterre, font marche arrière (cf. Angleterre : le NHS met fin aux bloqueurs de puberté), les sénateurs considèrent qu’il est « urgent que la France adopte un principe de précaution en la matière, s’agissant de la santé physique et mentale des enfants et des adolescents ».
Interdire les « parcours médicaux irréversibles » pour les mineurs
La proposition reprend trois préconisations issues du rapport sur « la transidentification des mineurs », récemment déposé par le groupe LR (cf. « Transidentification des mineurs » : des sénateurs LR lancent un cri d’alarme).
Afin de « temporiser l’initiation de parcours médicaux irréversibles, longs et difficiles pour les jeunes, souvent en souffrance, sans leur laisser le temps de mûrir une telle décision », le texte propose d’interdire pour les mineurs la prescription de bloqueurs de puberté ou de « traitements hormonaux tendant à développer les caractéristiques sexuelles secondaires du genre auquel le mineur s’identifie », ainsi que les chirurgies de changement de sexe.
Jusqu’à la majorité, les parents et les pédopsychiatres doivent avoir « un rôle crucial d’accompagnement de ces mineurs en questionnement » insiste Jacqueline Eustache-Brinio (cf. Changement de genre : en Angleterre, les écoles doivent informer les parents).
En cas de violation des interdictions, le texte prévoit que les professionnels de santé pourront être condamnés à deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende, ainsi qu’à une interdiction d’exercice de dix ans maximum.
Soutenir la pédopsychaitrie
En France, l’état de la pédopsychiatrie s’étant détérioré ces dernières années, les sénateurs proposent en outre de mettre en place une « stratégie nationale de soutien » du secteur, afin que « les jeunes en souffrance puissent bénéficier d’un soutien, d’une écoute et d’un accompagnement psychique ».
Même si elles sont essentielles, la proposition de loi ne reprend en revanche pas les préconisations relevant du domaine scolaire et administratif, comme l’abrogation de la « circulaire Blanquer » (cf. Genre à l’école : le Conseil d’Etat maintient la « circulaire Blanquer »), celles-ci ne relevant pas du champ législatif.
Autoriser le changement de sexe à l’état civil sur simple déclaration ?
Allant dans un sens opposé à celui des sénateurs LR, le 2 avril, Mélanie Vogel, sénatrice des Français de l’étranger, et 15 sénateurs ont déposé une seconde proposition de loi visant, au contraire, à favoriser les changements de genre, et à autoriser la modification du sexe à l’état civil sur simple demande en mairie, sans avoir à aller devant le tribunal [1].
Le texte propose de modifier la mention du sexe figurant à l’état civil par « une déclaration remise à un officier de l’état civil », sans qu’aucune pièce justificative ne soit nécessaire (cf. Genre : un recours devant le Conseil d’Etat sollicite l’« autodétermination du genre »). Cette déclaration conduirait à modifier automatiquement l’acte de naissance de la personne, qui pourrait également changer « de plein droit » ses prénoms. Cette possibilité pourrait être ouverte aux mineurs dès 15 ans.
A l’heure actuelle, il est nécessaire de passer devant le juge et de prouver que la mention du sexe figurant sur les actes d’état civil ne correspond pas à celui sous lequel le demandeur se présente et est connu. Face à ce sujet sensible, la prudence prévaudra-t-elle ?
Complément du 15/04/2024 : Une autre proposition de loi, portée par Joëlle Mélin, députée RN des Bouches du Rhône, a été enregistrée par la présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril. Elle vise à « protéger les mineurs contre certaines pratiques médicales et chirurgicales en matière de “transition de genre” ».
[1] Dépêche AFP du 02/04/2024
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