Le 13 mars, le Tribunal fédéral a définitivement confirmé l’acquittement du docteur Pierre Beck, ancien vice-président d’Exit Suisse romande, suite au décès d’une octogénaire qui était en bonne santé.
En 2017, le médecin avait prescrit du natrium pentobarbital à cette femme qui souhaitait mourir avec son mari qui était en fin de vie. Poursuivi pour infraction à la loi sur les stupéfiants (cf. Suisse : les suites du procès de Pierre Beck, ancien vice-président d’Exit), le praticien avait été acquitté par la Chambre d’appel et de révision du canton en février 2023, mais le Ministère public genevois avait contesté la décision (cf. Suicide assisté : l’ancien vice-président d’Exit acquitté).
Réunis en audience publique, les juges de la 1ère Cour de droit pénal ont rejeté, par 4 voix contre 1, le recours contestant l’acquittement. Ce jugement met un terme à sept ans de procédure (cf. Suisse : le médecin d’Exit condamné pour avoir repoussé les limites du suicide assisté).
Pas d’interprétation extensive des textes légaux
Les juges considèrent que le comportement du Dr Beck n’est pas réprimé par la loi sur les stupéfiants. En effet, ce texte « a pour but de réglementer la mise à disposition de stupéfiants à des fins médicales ou scientifiques, ainsi que de lutter contre les addictions ». Or, « la prescription par un médecin de natrium pentobarbital à une personne en bonne santé ne résulte d’aucune indication médicale et ne poursuit pas un but thérapeutique ».
« Ce n’est pas au juge pénal qu’il revient d’apporter une interprétation particulièrement extensive des textes légaux en vigueur, qui plus est sur un sujet si controversé et sensible que celui de l’assistance au suicide » ajoutent les magistrats. « Le cas échéant, c’est au législateur qu’il revient d’adapter les bases légales relatives à la prescription médicale de natrium pentobarbital à une personne en bonne santé en fonction des conceptions éthiques et morales majoritairement admises dans la société » poursuivent-ils.
La présidente du tribunal, Laura Jacquemoud-Rossari, souligne en outre le caractère « très libéral » du droit suisse en matière d’assistance au suicide (cf. Exit : les suicides assistés en hausse de 11% en Suisse alémanique). En effet, la personne qui apporte son « aide » n’est pas punissable si son mobile n’est pas « égoïste » (cf. La Suisse, pays du suicide assisté, peut mieux faire en matière de soins palliatifs).
Non respect des règles éthiques
Le tribunal fédéral reconnait en revanche que Pierre Beck ne s’est pas conformé aux règles éthiques de la profession, ni aux directives de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM). Ces dispositions n’autorisent en effet le suicide assisté qu’en cas de « mort imminente ou de souffrances intolérables ». Les magistrats considèrent toutefois que ces textes ne constituent pas une base légale suffisante pour prononcer une sanction pénale.
Le Tribunal fédéral précise cependant que la décision n’équivaut pas une autorisation de délivrer du natrium pentobarbital « à une personne en bonne santé, sans risquer d’engager sa responsabilité professionnelle, que ce soit sur le plan du droit civil ou du droit administratif ».
« Il ne faut pas sous-estimer le risque d’abus »
Le juge minoritaire a souligné que la prescription de pentobarbital n’est autorisée que « dans la mesure admise par la science ». En délivrant la substance à une patiente en bonne santé, Pierre Beck peut être condamné indique le magistrat qui a plaidé pour une interprétation stricte de la loi. « Sinon, on ouvre la porte à l’assistance au suicide pour n’importe quelle personne souhaitant mourir. Il ne faut pas sous-estimer le risque d’abus », a-t-il averti.
La coprésidente actuelle d’Exit Suisse romande, Gabriela Jaunin, considère aussi que cette décision est dangereuse. « Avec cette décision, n’importe quel médecin peut prescrire du pentobarbital à une personne qui lui demande de l’aider à mourir » prévient-elle.
Sources : 24 heures, Lucas Di Stefano (13/03/2024) ; RTS (13/03/2024) ; Le matin, Eric Felley (13/03/2024)
