Angleterre : les complications post-IVG insuffisamment répertoriées par les praticiens

Publié le 27 Nov, 2023

Le Gouvernement britannique vient de publier une étude visant à comparer différentes statistiques relatives aux complications [1] après un avortement [2]. Sur une période de cinq ans, entre 2017 et 2021, l’Office for Health Improvement and Disparities (OHID) a ainsi comparé le taux de complications obtenu à partir des statistiques annuelles relatives à l’IVG, qui utilise le système de notification des avortements (ANS [3]) basé sur les données fournies par les praticiens, avec le taux provenant des statistiques sur les épisodes hospitaliers (HES [4]) au cours de la même période.

Les deux systèmes ne partagent pas de définition commune sur ce qui constitue une complication post-avortement. En outre, il existe des différences dans la manière de « coder » ces complications.

Des écarts significatifs

Selon les données issues de l’ANS, le taux moyen de complications était de 1,52 pour 1 000 avortements sur la période 2017-2021. Or, en utilisant les données du HES, le taux de complication s’élève à 4,06 sur la même période [5].

En outre, lorsque l’analyse des données HES inclut également les avortements « incomplets »[6], le taux de complications atteint alors 18,16 pour 1 000 avortements (cf. IVG en France : au milieu des chiffres, 3,1% de « réinterventions »). Les données de l’ANS ne prennent pas en compte ces cas. Pourtant, « les avortements incomplets sont généralement caractérisés par des complications telles que des saignements et des douleurs abdominales », précise l’étude gouvernementale.

Des complications plus fréquentes avec l’avancée de la grossesse

Les données révèlent que le taux de complications augmente avec l’âge de la femme. Ainsi, le plus bas concerne les moins de 20 ans, et le taux le plus élevé concerne les 35 ans et plus. En revanche, l’écart entre les différentes statistiques est plus marqué pour les jeunes femmes.

Par ailleurs, le taux de complications augmente avec l’âge de la grossesse, « indépendamment de la méthode d’avortement ». Ainsi, il est de 0,4 pour 1 000 avortements lorsque la grossesse a atteint de 2 à 9 semaines, et passe à 23,8 au-delà de 20 semaines.

Les risques de l’avortement à domicile

En outre, les données de ANS montrent que le taux de complications pour les avortements médicamenteux pratiqués entre 10 et 12 semaines de grossesse est 18 fois plus élevé que lorsque l’avortement est pratiqué entre 2 et 9 semaines.

En Angleterre et au Pays de Galles, les IVG médicamenteuses sont autorisées en dehors d’un « cadre clinique » jusqu’à 10 semaines. En effet, le 30 mars 2022, le Parlement a voté la modification de la loi de 1967 sur l’avortement pour permettre aux femmes de prendre une ou les deux pilules à domicile, après une consultation téléphonique ou électronique.

En 2021, 87% des avortements étaient des avortements médicamenteux et les avortements où les deux produits ont été pris à domicile représentaient 52 % de tous les avortements.

Des statistiques à remettre en cause ?

Le Gouvernement note que les complications sont « moins susceptibles d’être enregistrées » quand la femme ingère l’un des produits abortifs à domicile. En effet, il est alors « peu probable que la personne qui remplit le formulaire HSA4 sache si la femme a connu une complication à la suite d’un avortement ».

Outre la non prise en compte des avortements « incomplets », l’ANS n’est pas tenu d’enregistrer non plus les complications survenues après la sortie de l’hôpital ou après l’envoi du formulaire au ministère de la santé et de la protection sociale (DHSC) visant à les recenser.

La santé des femmes ne mérite-t-elle pas des données précises ?

 

[1] saignements abondants, infections, lésions de l’utérus, septicémie, « nécessité d’une autre intervention » pour évacuer les « produits de conception retenus ».

[2] Cette publication ne contient pas de données sur les décès dus à un avortement, précise le communiqué. Ces données sont collectées par l’Office for National Statistics.

[3] Abortion Notification System. Conformément à l’Abortion Act 1967 et à l’Abortion Regulations 1991, tous les avortements pratiqués en Angleterre et au Pays de Galles doivent être notifiés au Chief Medical Officer (CMO) dans les 14 jours suivant l’intervention. Toute complication connue du praticien qui a mis fin à la grossesse et survenue jusqu’au moment de la sortie du lieu où a été pratiquée de l’interruption de grossesse doit être enregistrée via le formulaire HSA4. L’ANS est une base de données contenant tous les formulaires HSA4.

[4] Hospital Episode Statistics. C’une base de données contenant des détails sur toutes les admissions, les accidents et les urgences, et les rendez-vous en ambulatoire dans les hôpitaux du NHS en Angleterre. La présente étude utilise uniquement les données relatives aux admissions des patients hospitalisés et n’inclut pas les données relatives aux visites dans les services d’urgence ou aux rendez-vous en ambulatoire. Ce système est géré par le NHS England.

[5] Pourtant les données de l’ANS peuvent inclure des complications moins graves qui ne nécessitent pas d’admission à l’hôpital, ce dont ne tiendra pas compte le HES.

[6] Défini comme le cas où « une partie des tissus de la grossesse est restée dans l’utérus ».

Photo : iStock

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