L’Agence de la biomédecine (ABM) vient de publier son Rapport annuel 2022 sur le dispositif de vigilance relatif à l’assistance médicale à la procréation (AMP).
En 2022, « la réorganisation du dispositif d’AMP vigilance avec l’analyse et l’exploitation des déclarations reçues dans l’application de télédéclaration AMPVigie et la surveillance des effets indésirables à travers l’exploitation des données du SNDS [1] se poursuit ». « Les premiers résultats de cette surveillance confirment la sous notification des principaux effets indésirables attendus », pointe le rapport.
Environ deux « événements » pour 1000 tentatives d’AMP
En 2022, 391 déclarations ont été enregistrées, émanant de 68 centres au total. Un chiffre en baisse qui « s’explique en partie par la mise en place, depuis fin octobre 2020, d’une nouvelle méthodologie de gestion des déclarations des effets indésirables et plus précisément des syndromes d’hyperstimulation ovarienne (SHO) », précise l’ABM (cf. Syndrome d’hyperstimulation ovarienne : Décès d’une femme de 23 ans).
Ces 391 déclarations se déclinent en 282 déclarations d’effets indésirables [2], 97 déclarations d’incidents [3] et 6 incidents et effets indésirables liés [4]. Six événements ont été considérés comme « hors-champ »[5]. Il s’agit par exemple de l’identification de donneurs de gamètes par de jeunes adultes issus d’une AMP et ayant eu recours à des tests généalogiques disponibles sur internet, ou de l’annulation au dernier moment d’un acte d’AMP suite à la demande de la patiente.
Le taux de survenue d’effets indésirables s’établit ainsi entre 1,8 et 2,3 pour 1000 tentatives d’AMP, en fonction des années. Un chiffre plus important pour l’activité de FIV/ICSI [6] « qui nécessite plus de manipulations et d’actes cliniques ».
Les donneuses d’ovocytes, contrairement aux donneurs de spermatozoïdes pour lesquels on n’enregistre aucun « effet indésirable », sont, elles aussi, soumises à des risques. Le taux de survenue d’effets indésirables était de 3,2 ‰ en 2020 et 5,3 ‰ en 2021. Mais « le nombre d’effets indésirables déclarés en vigilance n’étant pas exhaustif, le taux calculé ne peut refléter une proportion exacte », précise l’Agence de la biomédecine.
Des événements « graves » en très grande majorité
Les syndromes d’hyperstimulation ovarienne sont la cause de près d’un effet indésirable déclaré sur deux (49%). Pourtant « il semble également que les centres considèrent ce type d’événement comme un événement attendu et que de ce fait les déclarent moins », pointe l’ABM.
En 2022, les effets indésirables « graves »[7] représentent 96,2% des déclarations, soit 277. Ces événements ont occasionné 271 hospitalisations. Dans 7% d’entre elles, le pronostic vital de la patiente était engagé. Un décès a été déploré cette même année. La patiente est morte des suites d’un choc anaphylactique occasionné par l’anesthésie administrée en vue d’une ponction ovocytaire.
Vers un renforcement du dispositif ?
D’un système purement déclaratif, le dispositif de vigilance est désormais associé à un « système de surveillance des effets indésirables dans le Système national des données de santé ».
En outre, suite à deux études qui ont étudié les complications post-AMP et qui ont conclu que « la prise en charge en AMP favorise la survenue d’événements thrombotiques », une des actions à venir est la « mise à jour des recommandations AMP et thromboses ».
L’AMP est loin d’être une procédure anodine, comme le rappelle le dispositif de surveillance mis en place. Était-ce bien raisonnable de l’autoriser en dehors de toute nécessité médicale ?
[1] Système national des données de santé
[2] « Dans le cadre de l’AMP vigilance, un effet indésirable est une réaction nocive survenant chez les personnes concernées par l’AMP (donneur(se)s, patient(e)s et personnes qui en sont issues) liée ou susceptible d’être liée aux gamètes, tissus germinaux ou embryons ou aux activités d’AMP. »
[3] « Un incident grave d’AMP vigilance est le fait d’un accident ou une erreur liés aux activités portant sur les gamètes, tissus germinaux ou embryons, entraînant ou susceptible d’entraîner : – Un effet indésirable grave ou inattendu chez les personnes concernées par les activités d’AMP ; – Une perte importante de gamètes, de tissus germinaux ou d’embryons ; – Un défaut de qualité ou de sécurité des gamètes, des tissus germinaux ou des embryons ; – Toute erreur d’attribution des gamètes, tissus germinaux ou embryons. »
[4] Le terme « événement indésirable » regroupe les effets indésirables et les incidents.
[5] « Les déclarations sont considérées « hors champ » et requalifiées en ce sens quand l’événement déclaré ne correspond pas aux définitions telles que décrites dans le décret n° 2016-1622 du 29 novembre 2016 relatif aux dispositifs de biovigilance et de vigilance en assistance médicale à la procréation. »
[6] Injection Intracytoplasmique de spermatozoïde
[7] Avec une gravité évaluée de 3 à 5 sur une échelle de 5. Les effets indésirables « sévères » (G3) induisent des « manifestations cliniques ou biologiques entraînant une invalidité ou une incapacité, ou provoquant, prolongeant ou compliquant une hospitalisation ou tout autre état morbide, ou nécessitant une intervention médicale ou chirurgicale pour éviter un dommage permanent ou la défaillance d’une fonction corporelle ». Les effets sont dits « majeurs » (G4) s’ils entraînent une « menace vitale immédiate ». Le niveau G5 correspond au décès du sujet.