Suite aux avortement sélectifs « pratiqués depuis des années, comme ailleurs dans les Balkans », l’Albanie accuse un déficit de 21.000 filles sur les dix dernières années.
111 naissances de garçons en moyenne pour 100 filles
« Quand mon mari a appris que notre quatrième enfant serait une fille, il m’a presque tuée » témoigne Lina[1] qui a eu recours à l’avortement en dehors des délais légaux.
Un quart des familles où il y a déjà une fille font interrompre la grossesse, d’après des experts des Nations Unies à Tirana. Entre 2000 et 2020, on recensait 111 naissances de garçons pour 100 filles en moyenne, selon les chiffres de l’ONU. Cela fait de l’Albanie le 4e pays au monde avec la plus grande différence entre les naissances de filles et de garçons [2].
Ce ratio est toutefois en léger recul, suite à des « campagnes de sensibilisation ». Ainsi, en 2022 l’Albanie a compté 107 naissances de garçons pour 100 filles, quand la « moyenne biologique » est environ de 105 pour 100.
La sélection officiellement interdite
L’avortement, légal depuis le début des années 90, est autorisé jusqu’à douze semaines de grossesse. Au-delà, la femme enceinte doit obtenir l’accord de trois médecins pour recourir à un avortement thérapeutique.
Bien que les avortements sélectifs soient interdits depuis 2002, « avec les nouvelles techniques désormais très répandues qui facilitent la découverte du sexe du bébé, il est de plus en plus difficile de prouver que la grossesse a été interrompue car le fœtus était une fille », explique Rubena Mosiu, gynécologue-obstétricienne à Tirana. Les médecins demandent des « contrôles sévères » des laboratoires privés qui proposent ce test anténatal sans ordonnance (cf. Trisomie 21, sexe du fœtus : le DPNI arrive à domicile).
Pour Arjan Gjonça, professeur de démographie à la London School of Economics and Political Science, « si le phénomène persiste et s’il n’y a pas des mesures légales rapides », « les conséquences dans un avenir proche pourraient amener à un déséquilibre social ».
[1] Son prénom a été modifié
[2] En Inde, en 2021, le ratio était de 108 garçons nés pour 100 filles. Au Monténégro, il était de 110 au début des années 2000, mais a baissé. Il reste toutefois supérieur à la moyenne.
Source : AFP (06/02/2024)