Interruption de la vie: l’arsenal thérapeutique français?

Publié le 7 Avr, 2013

 Dans une tribune publiée dans Le Quotidien du Médecin, le Dr Patrick Leblanc, gynécologue-obstétricien et coordinateur du Comité pour sauver la médecine prénatale revient sur deux positions officielles qui, souligne-t-il, “remettent gravement en question notre mission de soignant“. Ces deux publications sont celles du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) “en faveur d’un test dépistage prénatal non invasif (DPNI) de la [trisomie]21” [T21] (Cf Synthèse de presse Gènéthique du 26/03/2013) et du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) qui s’est “déclar[é] partisan d’une assistance médicale à mourir en fin de vie” (Cf Synthèse de presse Gènéthique du 15/02/2013). 

Dans leur contexte, ces deux publications sont différentes: l’une concerne le début de la vie et met en avant le DPNI en “raison de sa très grande fiabilité” et  de sa capacité à “détecter précocement l’ADN foetal circulant sans recourir aux actes invasifs (amnio- ou choriocentèse)“. L’autre vise la fin de vie et considère que “devant des situations cliniques exceptionnelles“, il faut pouvoir “autoriser une sédation, adaptée, profonde et terminale’ “. Mais pour le Dr Patrick Leblanc, que ce soit l’une ou l’autre des publications, “à chaque extrémité de la vie, qu’il concerne quelques milliers d’embryons porteurs de la T21 ou qu’il soit supposé exceptionnel devant un malade en phase terminale, il y a bien interruption de la vie pour laquelle le médecin est sollicité“. Or, souligne le gynécologue-obstétricien, interrompre la vie est “contraire à l’essence même de notre métier et du code de déontologie: le médecin ‘n’a pas le droit de donner délibérément la mort’ (article38)“. 

Par ailleurs, il précise que la décision collégiale est de rigueur et est seule habilitée à donner une suite favorable à une demande de fin de vie ou à une interruption médicale de grossesse. Or, lorsque le DPNI sera instauré, et “en raison de [sa] précocité […] – possible avant la fin du délai légal de l’IVG – tout laisse à penser que ces mêmes médecins experts ne seront plus sollicités“, alerte le Dr Leblanc.  

Enfin, le gynécologue-obstétricien souligne que dans l’une ou l’autre des situations, l’information qui sera donnée au patient en fin de vie ou aux parents dans le cadre du DPNI, n’est qu’un “leurre“.
L’ordre des médecins précise-t-il, “exige ‘l’absence de toute entrave’ à la liberté et à la demande du patient qui exprimerait de manière réitérée et consciente ses dernières volontés“. Mais le Dr Leblanc s’interroge: “Dans cette situation extrême, la liberté de chacun est-elle toujours réellement garantie?“.
De même, “en médecine prénatale, la loi dit que l’information délivrée doit-être ‘loyale, claire et adaptée’ “. Mais, “qu’en sera-t-il avec le DPNI? Comment aborder tous les enjeux d’un test qui bouscule notre réflexion?“, interroge le Dr Leblanc. Le risque n’est-il pas d’observer un changement dans notre pratique en confrontant les couples avant même la première échographie et dès l’entretien initial avec le médecin à la possibilité d’une interruption volontaire de grossesse?

 
Le Dr Leblanc dénonce une “nouvelle culture médicale” scellée par ces deux publications. “Qu’il soit banalisé ou exceptionnel, l’acte d’interruption de la vie fera bientôt partie de notre ‘arsenal thérapeutique’. Mais il s’agit de supprimer des malades, pas la maladie“. Ce changement de regard sur le malade et la maladie qui est en marche, “est-il au profit d’une médecine plus humaine?“. 
 

 Le Quotidien du Médecin (Dr Patrick Leblanc) 08/04/2013

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