Cette année, la journée mondiale pour la trisomie 21 coïncide avec la date limite fixée pour remettre des observations écrites à la CEDH [1] sur des affaires posant la question : « existe-t-il un droit d’avorter un enfant parce qu’il est trisomique ? »
L’European Center for Law and Justice (ECLJ), tierce partie dans ces affaires, veut rappeler qu’ « il n’y a pas de ‘sous-hommes’, ni de ‘sous-femmes’ ». Les affaires examinées par la CEDH concernent la Pologne, qui a fait le choix en 2020 d’interdire la discrimination entre les enfants à naître, en interdisant l’avortement eugénique (cf. Pologne : l’avortement eugénique n’est pas conforme à la constitution). Plusieurs femmes qui auraient voulu avorter de leur enfant trisomique dans ce pays ont déposé un recours devant la CEDH.
Les observations de l’ECLJ bénéficient du soutien de cinq anciens juges de la CEDH, ainsi que de ceux d’experts des Nations unies, et de l’ancien Président de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. L’objectif est d’obtenir de la CEDH qu’elle s’aligne sur Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, selon lequel : « les lois qui autorisent explicitement l’avortement en raison d’un handicap violent [le droit international] »[2].
Présenter cette question en lien avec les droits des femmes est une escroquerie, rappelle l’ECLJ. Contrairement aux motifs généralement invoqués pour justifier l’avortement – viol, danger pour la santé ou la vie de la mère, ou tout simplement choix de la mère – c’est ici une caractéristique du bébé qui est ciblée, sans lien avec la mère. Avorter n’est alors pas une tentative de planification familiale ou de réponse à un besoin sanitaire ou social de femmes ; c’est un tri assumé entre des enfants « sains » et des enfants malades ou handicapés. Ce n’est pas un refus général du droit de naître ; c’est un rejet des personnes malades, handicapées, trisomiques. Cela s’appelle de l’eugénisme et ce n’est pas moins choquant avant la naissance qu’après (cf. Avis du CCNE : « L’eugénisme n’a plus besoin de coercition », Avis du CCNE : « Ce qu’il y a de problématique dans l’eugénisme, est-ce le fait qu’il émane de l’Etat, ou qu’il procède à la sélection des vies ? »).
Laura et Charlotte, toutes deux porteuses de trisomie 21, se sont adressées ce 21 mars par le biais de vidéos aux juges de la CEDH : « Je suis devant la Cour européenne des droits de l’homme et je dis : “défendez-nous !” » invoquent-elles. Elles rappellent également que « Par rapport à la trisomie 21, dans leur tête, les gens ont leurs a priori. Mais ils ne se rendent pas compte que leurs a priori sont faux. (…) Les gens pensent des choses sur nous, mais ils ne pensent pas que cela peut nous faire du mal ».
[1] Cour européenne des droits de l’homme
[2] 2018