En Suisse, des entreprises ont commencé à payer les frais de congélation d’ovocytes pour leurs employées. Ainsi, la société pharmaceutique Merck a mis en place ce dispositif depuis le mois d’octobre. Un moyen pour « mieux concilier vie professionnelle et vie familiale » justifie Florian Schick, président de Merck Suisse.
La technique coûte approximativement 10 000 francs suisses [1]. La prise en charge par les employeurs est encore peu répandue, mais « la tendance des Etats-Unis » pourrait arriver en Suisse, estime Julia Schmid, chercheuse dans ce domaine à l’université de Zurich.
La pratique de la congélation d’ovocytes sans raison médicale, appelée le « Social Egg Freezing », est en effet en hausse en Suisse. Chaque année, les femmes sont environ 30% de plus à y recourir, déclare Peter Fehr, spécialiste de la médecine reproductive à la OVA IVF Clinic Zurich.
« Une immiscion trop importante dans la vie privée »
Cependant la Commission nationale d’éthique du pays craint « une forme de pression ». Avec cette prise en charge, « implicitement, une entreprise dit aux femmes qu’elles doivent plutôt privilégier leur carrière et repousser leur maternité ».
De surcroit, pour Markus Zimmermann, vice-président de la Commission, « une telle offre constitue une immiscion trop importante dans la vie privée ». En effet, « la maternité et le désir d’enfant sont des questions très personnelles. Il ne devrait pas y avoir d’incitations de l’employeur dans ce domaine », juge-t-il.
En outre, congeler ses ovocytes donne « l’illusion » de détenir « une garantie de grossesse ultérieure ». Or, ce n’est pas le cas, rappelle Markus Zimmermann. La congélation de 15 à 20 ovocytes confère « une probabilité de 80% d’aboutir à la naissance d’au moins un enfant », indique Peter Fehr.
Repousser la maternité
Dans le cadre d’un projet de recherche baptisé « EEggg », les chercheurs de l’université de Zurich mènent un sondage quant à cette pratique.
Selon les « quelque 1000 réponses reçues jusqu’à présent », « de nombreuses femmes disent s’imaginer avoir recours à un tel procédé ». « C’est un gros changement par rapport aux études précédentes », observe Julia Schmid.
C’est « l’absence d’un partenaire » qui conduit essentiellement les femmes à faire congeler leurs ovocytes. De plus, « de nombreuses femmes repoussent leur désir de maternité dans l’attente d’une situation de vie plus stable ». Par ailleurs, « la peur de la stérilité » entrerait aussi en ligne de compte.
Pourtant, finalement, « seul un petit nombre de femmes » utilisent les ovocytes qu’elles ont fait congeler (cf. PMA : beaucoup de femmes n’utilisent pas leurs ovocytes congelés).
[1] Environ 10 400 euros
Source : RTS (24/11/2023)