Soutien des mutuelles à l’euthanasie : « ces organismes ne font même plus semblant »

25 Fév, 2024

Jeudi, la Mutuelle générale de l’Education nationale (MGEN) a envoyé un courrier aux députés dans lequel elle indique « promouvoir une évolution de la loi qui permette une fin de vie libre et choisie ». Une initiative à laquelle Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), a réagi dans un entretien pour Atlantico. « Il s’agit d’un sujet complexe en France, parce que l’on aborde le sujet de manière particulièrement émotive, pointe-t-elle. Il est donc très mal vu de pointer du doigt les intérêts économiques pourtant réels qui se situent derrière les demandes des mutuelles de soutenir la légalisation de l’euthanasie ».

L’« exemple » du Canada

Alors que Claire Fourcade a suivi sa formation de soins palliatifs au Canada pendant 2 ans, elle dénonce la « progression vertigineuse du nombre de d’euthanasies » qui y a lieu. « Désormais, le système de santé canadien publie chaque année les économies que cela permet de réaliser » souligne-t-elle (cf. Canada : 1200 euthanasies en plus, 149 millions de dollars de frais de santé en moins).

Or, « la pratique concerne pour beaucoup les individus affichant des difficultés d’accès au soin », précise-t-elle : des « personnes en situation de précarité ou de handicap, ayant des difficultés à financer la prise en charge des soins dont ils pourraient avoir besoin et qui font donc face à une forme d’incitation, sinon à la perception d’une forme d’incitation », déplore le médecin (cf. Face au handicap ou à la pauvreté, l'”aide médicale à mourir” se généralise au Canada).

Des « verrous très stricts » qui ont « sauté très vite »

« Le Canada avait mis en place des verrous très stricts quand il a légalisé l’euthanasie en 2016 » rappelle Claire Fourcade. « L’euthanasie ne devait être pratiquée qu’à l’approche de la fin de vie et dans le cas de souffrances réfractaires ». Mais « ces verrous ont ensuite sauté très vite ».

Ainsi, « rapidement, la notion de fin de vie a été évacuée, notamment pour des raisons juridiques, et la pratique a rejoint le domaine des soins ». Une « proposition » devenue « obligatoire » pour les soignants.

Peu de soutien des mutuelles sur la fin de vie

De « nombreux individus » favorables à la légalisation de l’euthanasie le sont pour « des raisons personnelles », estime Claire Fourcade. Mais « l’implication des mutuelles pose clairement question ».

« Il y a peu de sujets relevant du sociétal poussant de tels organismes à s’impliquer de la sorte et je ne peux que constater, en 25 ans de pratique, que les mutuelles ne nous aident pas beaucoup dans l’accompagnement des personnes en fin de vie », regrette-t-elle. Dans son courrier, la MGEN n’évoque ni le développement des soins palliatifs, ni l’accès aux soins.

Dans la région où elle exerce, « beaucoup de nos patients ont de grosses difficultés et peinent à bénéficier des aides à domicile ou à obtenir du matériel » témoigne Claire Fourcade. « Ils n’ont généralement pas de soutien particulier des mutuelles », quand « la grande majorité des patients en fin de vie souhaitent vivre jusqu’au bout dans la dignité ». « Rares sont les patients qui demandent à mourir. J’ai été confrontée à trois demandes d’euthanasie persistante, en tout et pour tout, poursuit le médecin. La motivation des mutuelles doit donc être questionnée ». « Ces organismes ne font même plus semblant ».

Vers une « pression normative »

La présidente de la SFAP alerte : « ce message aura nécessairement un impact très fort sur les patients en fin de vie ». En effet, « ce message consiste à dire que ceux qui ne veulent pas mourir coûtent cher et cela aura forcément un poids sur le choix des personnes ». « Or, on nous présente toujours le choix de l’euthanasie comme un choix libre », pointe-t-elle.

Au Canada, « chaque année le nombre d’euthanasie progresse de plus de 50% ». « Cela traduit une souffrance, bien sûr, mais aussi une pression normative de la société puisque l’euthanasie est maintenant présentée comme une solution acceptable, sinon souhaitable pour le reste de la société dans des situations de dépendance, analyse Claire Fourcade. Le choix contraire est perçu comme onéreux » (cf. Son traitement n’est pas remboursé, un père de famille belge réclame l’euthanasie).

 

Source : Atlantico, Claire Fourcade (23/02/2024) – Photo : iStock

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