Le choix de la CNIL d’autoriser « la mise en place d’un traitement automatisé » de données de santé afin de créer un « entrepôt » de données[1] baptisé Agoria santé, par un consortium d’acteurs privés (cf. Données de santé : la CNIL offre l’accès aux acteurs privés), « acte la bascule définitive vers la marchandisation des données de santé dans notre pays », affirme Cyrille Dalmont, chercheur associé à l’Institut Thomas More.
Pour le chercheur, cette décision met fin à « l’équilibre entre libertés publiques, missions d’intérêt public et protection de la vie privée des Français » qui avait été mis en place par la loi informatique et libertés en 1978. A présent, c’est « une vision anglo-saxonne à caractère mercantiliste » qui prévaut en matière de santé.
Une évolution voulue par l’Europe
Dans sa « Stratégie européenne pour les données », la Commission européenne indique vouloir orienter la politique numérique européenne dans le but de « permettre à l’Union européenne de devenir un acteur de premier plan dans une société axée sur les données. La création d’un marché unique des données permettra la libre circulation de ces dernières au sein de l’UE et entre les secteurs, dans l’intérêt des entreprises, des chercheurs et des administrations publiques ».
Et la crise du Covid-19 a facilité les choses. En mars 2020, le Comité européen de la protection des données (CEPD) a supprimé « l’interdiction sur l’échange et le traitement des informations personnelles des citoyens membres de l’UE ».
Jouer sur l’altruisme
Une troisième voie serait-elle possible ? Avec le Data Governance Act publié au Journal officiel de l’Union européenne le 23 juin, la Commission propose un cadre légal pour rendre « les données produites et collectées par les services publics librement accessibles ».
Et avec le « data altruisme », entreprises et particuliers pourraient être incitées à partager leurs informations personnelles pour servir « des fins d’intérêt général, telles que la recherche scientifique ou l’amélioration des services publics ».
Une démarche « trompeuse »
Les « GAFAM américains » et « BATX chinois » collectent déjà « massivement » des données de santé « sous couvert d’outils et d’applications visant à améliorer sa santé ou ses performances physiques ». Mais la démarche du consortium Agoria Santé, bien que similaire, est « pire » estime Cyrille Dalmont, car « trompeuse ». Les consommateurs n’obtiendront rien en contrepartie de leurs données. « Et si de nouveaux traitements sont découverts grâce à ces données, les profits seront pour elle… », pointe le chercheur (cf. Du business autour des tests génétiques : 23andMe vend les droits d’un médicament).
Selon la Commission européenne, le volume mondial des données devrait augmenter de 530 % entre 2018 et 2025.
[1] « bases de données de santé multiples »
Sources : Marianne, Cyrille Dalmont (28/06/2022) ; La Croix, Marion Durand (27/06/2022) – Photo : iStock